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Azteca

Azteca

Titel: Azteca
Autoren: Gary Jennings
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plus possible. Aussi, je n’ai pu que lui dire : « Béu, ma chère
femme, je t’aime. » Elle ne m’a pas répondu, car les larmes sont venues
étouffer le peu de voix qui lui reste, mais elle a mis sa main dans la mienne
et je l’ai serrée tendrement. J’aurais bien voulu entrelacer nos doigts, mais
cela non plus n’est plus possible, car elle n’a plus de doigts. Vous l’avez
sans doute deviné, mes seigneurs, l’explication de sa lente agonie c’est
qu’elle est mangée par les dieux. J’ai déjà décrit cette maladie et je préfère
ne pas vous dire ce que les dieux ont laissé de cette femme qui fut aussi belle
que Zyanya. Alors, je me suis contenté de rester près d’elle, en silence. Je ne
sais pas à quoi elle pensait, mais moi, je me suis souvenu de ces années que
nous avons vécues ensemble et de ce gâchis que j’ai fait de nous-mêmes et de
l’amour, ce qui est la chose la plus impardonnable qui soit. L’amour et le
temps ne s’achètent pas, on ne peut que les dépenser. La nuit dernière, Béu et
moi, nous nous sommes avoué notre amour, mais c’est trop tard. Il est dépensé,
on ne peut plus le racheter. Alors, j’ai évoqué ce temps perdu et je suis
remonté encore plus loin. Je me suis rappelé cette nuit où mon père m’avait
porté sur ses épaules pour traverser l’île de Xaltocán sous les « plus
vieux des vieux » cyprès et comment je passais de l’ombre au clair de
lune. Je ne pouvais pas le savoir alors, mais c’était le résumé de ce que
serait ma vie : tour à tour ombre et lumière, jours et nuits pommelés,
bons et mauvais moments. Depuis, j’ai eu ma part de chagrins et de coups durs
et peut-être plus que ma part, mais mon attitude à l’égard de Béu Ribé est la
preuve que j’ai aussi fait du mal aux autres. Mais il est vain de se plaindre
de son tonalli et, dans l’ensemble, la vie a été bonne pour moi. La fortune m’a
souri plus d’une fois et j’ai eu bien des occasions de faire des choses
intéressantes. Mon seul regret, c’est que les dieux n’aient pas jugé bon de
mettre un terme à mes chemins et à mes jours il y a longtemps, à partir du
moment où je n’ai plus servi à rien. Pourtant, je vis encore et les dieux ont
sans doute leurs raisons. Je crois même que deux d’entre eux me les ont
dévoilées une nuit que j’étais ivre. Ils m’avaient dit que mon tonalli n’était
pas d’être heureux ou malheureux, riche ou pauvre, intelligent ou stupide, bien
que j’aie été tout cela, tour à tour, mais simplement que j’oserais relever
tous les défis et saisir toutes les occasions de vivre pleinement ma vie. Ce faisant,
j’ai participé à bien des événements, importants ou pas, historiques ou non.
Mais ces dieux m’avaient dit également que mon véritable rôle serait seulement
de me les rappeler et de les transmettre aux générations futures afin qu’on ne
les oublie pas. C’est ce que j’ai fait. A part quelques menus détails que Votre
Excellence souhaite peut-être que j’ajoute, je ne vois plus rien à dire. Si
nous avons un avenir quelconque, je suis incapable de le prédire. Je me
rappelle ces mots que j’ai entendus si souvent prononcer quand je suis parti à
la recherche d’Aztlán, ces mots répétés par Motecuzoma au sommet de la pyramide
de Teotihuacân, comme s’il avait prononcé une épitaphe : « Les Azteca
sont venus ici, mais ils n’avaient rien avec eux et ils n’ont rien laissé en
partant. » Les Azteca – ou les Mexica – quel que soit le nom que vous avez
choisi de leur donner, sont en train de disparaître, de se disperser, de se
fondre dans la masse. Bientôt, il n’y en aura plus un seul et personne ne se
souviendra d’eux. Les autres nations auxquelles vos soldats imposent de
nouvelles lois, que vos seigneurs propriétaires soumettent à un travail forcé
et auxquelles vos missionnaires apportent la bonne parole, ces nations vont,
elles aussi, disparaître, se transformer complètement ou tomber en décrépitude.
En ce moment, Cortés implante ses colons sur les territoires qui bordent
l’océan méridional. Alvarado livre des combats pour vaincre les tribus de la
jungle du Quautemâlan. Montejo essaye de réduire les Maya les plus civilisés
d’Uluùmil Kutz. Guzman est en train d’écraser les orgueilleux Purépecha du
Michoacán. Au moins, tous ces peuples auront eu la satisfaction de se battre
jusqu’au bout et je plains davantage les nations comme Texcala
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