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Au pied de l'oubli

Au pied de l'oubli

Titel: Au pied de l'oubli
Autoren: Anne Tremblay
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notre
     beau parlement de Québec, quelle tragédie ! Il semblerait que les dommages
     soient bien élevés, termina-t-il sur un ton dramatique.
    Sidérée, un sourcil relevé, Julianna étudiait l’homme. Elle devrait lui
     présenter Marie. Ils seraient si bien assortis…
    Changeant du tout au tout, le politicien s’exclama :
    — Bon, mais aujourd’hui, l’heure est aux réjouissances ! Nous, les hommes du
     Saguenay, quand nous décidons demener à bien un projet, nous
     sommes imbattables.
    Julianna bouillait.
    — Ah bon, dit-elle. Et nous, les femmes, on n’a rien fait ?
    Ce gros lard avait le culot de s’octroyer tous les mérites, se dit-elle.
    — Ah, mais je vous oublie pas, ma petite madame. Que seraient nos costumes sans
     votre couture ! Dans un événement comme celui-ci, y a pas de petites
     contributions, n’est-ce pas ? Alors, madame Rousseau, que dites-vous de la
     première édition du carnaval-souvenir de Chicoutimi ?
    — J’en dis, commença Julianna, que vous devez vous sentir à l’aise, reculé dans
     le temps d’un siècle. C’est exactement à cette époque que votre mentalité
     arriérée est restée.
    Tout en reprenant son chemin, elle se força à chasser sa colère. Elle n’allait
     pas laisser ces deux mauvaises rencontres gâcher sa soirée ! Elle huma l’air
     froid, admira les flocons de neige dont la blancheur donnait au ciel nocturne
     une aura laiteuse. D’un geste gracieux de la main, approprié à son personnage de
     femme de la haute société du siècle dernier, elle salua quelques connaissances.
     Faire partie du comité organisateur lui avait permis de se lier d’amitié avec
     tant de gens. Avec fierté, elle se sentit un sentiment d’appartenance à sa
     communauté. Elle rejoignit son mari qui trinquait avec d’autres carnavaleux en entrechoquant leur verre de caribou, cet imbuvable
     mélange de vin rouge et d’alcool.
    — À la mémoire de nos ancêtres !
    — Qu’on n’oublie jamais leur courage, leurs valeurs !
    Tout près, un groupe de jeunes gens, robes de cotons et dentelles, chemise à
     carreaux et manteaux chauds, se donnaient la main et chantaient à tue-tête la
     chanson thème.
    —  C’est carnaval, c’est carnaval du bout du monde, et pour le bal, garçons
     et filles font la ronde !
    Julianna s’adressa à son mari.
    — Pierre n’est pas avec toi ? s’étonna-t-elle.
    — Ils sont déjà repartis pour la maison. Il a peur que Mélanie prenne
     froid.
    — Ils ne sont pas restés longtemps…
    — Pierre avait une surprise pour Mélanie.
    — Une surprise ! Je suis pas au courant de rien.
    — Il t’en parlera lui-même.
    L’attention de Julianna fut attirée par les clochettes qu’un cheval d’attelage,
     en s’ébrouant, faisait tinter.
    — Oh, François-Xavier, allons faire un tour de calèche !

    — T’es certaine que t’as pas froid ?
    — Pierre, commence pas à me couver…
    — Tu préfères rester au carnaval ?
    — Non, je suis d’accord pour rentrer, lui réaffirma Mélanie. De toute façon, on
     revient en fin de semaine avec la visite.
    Car dimanche prochain, pour souligner l’anniversaire de naissance de Dominique
     et profiter du carnaval, Julianna et Mélanie avaient planifié une rencontre
     familiale.
    Mélanie sourit à la pensée des trois bougies qui orneraient le gâteau
     d’anniversaire.
    — Jeanne-Ida et Jean-Marie vont descendre de Normandin avec Bernard et Daniel.
     Pis ils emmènent aussi mes parents. On va être beaucoup ! Ton parrain Georges
     pis sa femme Henriette, Jean-Baptiste…
    Pierre l’interrompit.
    — Où est Timmy ? demanda-t-il en s’apercevant de son absence.
    Mélanie regarda autour d’elle.
    — Je lui ai lâché la main deux minutes ! Il est pas loin certain.
    Pierre hissa Dominique sur ses épaules.
    — Regarde comme il faut. Vois-tu notre ami Timmy ?
    Dominique scruta les alentours. Il découvrit le handicapé près de l’enclos du
     cochon de lait.
    — Timmy, Timmy ! cria-t-il en le pointant du doigt.
    Un petit attroupement de jeunes riait de l’attitude du débile de la rue
     Racine.
    Sans se préoccuper des quolibets qu’ils lui lançaient, Timmy tentait de
     converser avec le porcelet, ponctuant ses mots de grognements, ce qui causait
     encore plus d’hilarité parmi ses spectateurs.
    — Bonjour, bonjour, beau cochon, groin, groin !
    Mélanie s’empressa de le reprendre par la main et de s’éloigner. La
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