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Apocalypse

Apocalypse

Titel: Apocalypse
Autoren: Eric Giacometti
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glaive du fourreau.
    — Soldats !
    Les lances s’abaissèrent vers le sol.
    — Tuez-les tous !

3
     
    Paris
    Cimetière du Père-Lachaise
    18 juin 2009
     
    Le corbeau perché sur le toit du petit mausolée le regardait avec acuité. Antoine n’avait jamais aimé cet oiseau. Vieux fonds de superstition honteuse légué par sa grand-mère. Il se sentait épié par le volatile noir, comme si ce dernier voulait lui demander des comptes sur la mort d’Aurélia. Marcas détourna son regard et s’attarda de nouveau sur la pierre tombale de marbre rosé qui tranchait au milieu des sépultures vieillies par le temps.
     
    Aurélia de Crécy-Valois
    1969-2008
    Morte sans douleur
     
    Une photo en médaillon, incrustée dans la pierre, représentait le visage souriant d’une belle femme aux yeux clairs.
    Cela faisait presque un an qu’elle s’était éteinte dans ses bras après avoir tenté d’échapper à son destin 1 . Ils s’étaient aimés d’une passion étrange et obsédante lors de leur aventure au Brésil, face à la secte des Assassins. Sa mort l’avait bouleversé. Antoine avait réalisé alors que c’était la première fois qu’il perdait quelqu’un à qui il tenait vraiment. Des relations, des frères de loge, oui, mais pas une personne qu’il avait dans le sang. La mort, il croyait l’avoir domptée avec son initiation maçonnique : l’épreuve de la terre, le cabinet noir pareil à un cercueil, le crâne qu’on observait avant de passer à la lumière de l’Orient. Il avait souvent assisté à des cérémonies funèbres dans les temples, où la mort devenait symbole de passage mais là, ça ne passait pas.
    D’ailleurs, il s’était fait plus rare en loge, en dépit du soutien constant de ses frères.
    Elle est morte. La femme que j’aimais.
    Ce sentiment atroce qu’une part de lui s’était aussi éteinte. Injuste . C’était le mot qui tournait et retournait dans son esprit, comme un jet d’acide sur une plaie à vif. Après sa mort, il avait passé des mois à déprimer et à s’interroger sur sa vie, sans trouver de réponse, puis il s’était plongé à corps perdu dans son travail à l’OCBC 2 , acceptant les dossiers les plus ardus. Sa vie se résumait désormais à son travail. Les seuls moments de détente, il les passait avec son fils qui avait été un précieux soutien. L’adolescent s’était presque comporté comme un père, s’occupant de le distraire et de le protéger. T’es mon père, putain. Je suis là . Marcas avait découvert chez son fils une force qu’il ne soupçonnait pas. Avec patience ce dernier lui avait redonné, imperceptiblement, le goût de la vie.
    Le corbeau croassa une nouvelle fois, comme s’il se moquait de lui. Malgré l’été tout proche, Antoine avait froid. Il s’accroupit, posa un bouquet de roses presque noires sur la dalle et effleura la photo du médaillon.
    Tu me manques tant, mon amour.
    Il n’arrivait pas à concevoir que la dalle renfermait un cadavre pourrissant. C’était stupide mais il préférait croire que, s’il la soulevait, il trouverait Aurélia intacte, aussi belle qu’avant. Éternellement jeune et belle. L’amour et la mort, intimement liés.
    La sonnerie de son portable interrompit sa réflexion. Il se releva et s’appuya contre le mur du mausolée voisin. Le corbeau ne cessait de l’épier.
    — Oui ?
    — On est dans la merde avec l’antiquaire.
    La voix de son adjoint semblait fatiguée. Une raucité qui trahissait une nuit longue, ponctuée de cigarettes et de tasses de café.
    — Il n’a pas reconnu les faits ?
    D’un coup Marcas se concentra sur sa mission en cours. Les vieux réflexes. Même dans un cimetière, devant la tombe de la femme qu’il avait aimée passionnément.
    — On ne peut pas dire ça de cette façon. Ce matin, passé cinq heures, il nous a dit qu’il avait une déclaration à faire. On lui a demandé s’il voulait son avocat et là…
    — Là, quoi ?
    S’il y avait une chose que l’âge n’avait pas éteinte chez le commissaire, c’était l’impatience. Un sentiment toujours vif et qu’il contrôlait mal. Il résista pourtant à la tentation d’apostropher son collègue.
    — On a essayé de le faire parler. Mais rien. D’un coup, il a été muet. Une tombe. Une attitude sans queue ni tête.
    Tassard, François de son prénom, était un adjoint réputé pour parfois tourner en rond comme dans un labyrinthe. Antoine décida de changer de
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