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Voyage au Congo

Titel: Voyage au Congo
Autoren: André Gide
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encore, mais dont la berge rocheuse empêche ici l’approche des navires d’un certain tonnage, en temps de basses eaux du moins. Le village, coupé de vergers, s’étend le long de la rive.
    Après une belle avenue de palmiers, on parvient devant une église de brique, à côté de la grande bâtisse basse qui va nous héberger. Un « catéchiste » noir nous ouvre les portes et, comme toutes les pièces sont mises à notre disposition, nous serons fort à l’aise. Il fait terriblement chaud, humide, orageux. On étouffe. La salle à manger est heureusement très aérée. Aprèsle repas, sieste ; d’où je me relève ruisselant. Promenade le long d’un sentier, qui se rétrécit après avoir traversé de grands vergers de bananiers à très larges feuilles, différents de ceux que j’ai vus jusqu’à présent, et très beaux ; puis s’enfonce dans la forêt. On marcherait ainsi pendant des heures, requis tous les vingt pas par une surprise nouvelle. Mais la nuit tombe. Un orage effrayant se prépare, et l’enchantement cède à la crainte.
    Trois fois par jour, catéchisme d’une heure, en langue indigène. Cinquante-sept femmes et quelques garçons répètent mécaniquement les réponses aux questions que répète monotonement le catéchiste instructeur. On distingue parfois les mots que l’on n’a pu traduire : « Saint Sacrement ; Extrême-Onction ; Eucharistie… »
    18 septembre.
     
    La température n’est pas très élevée (elle ne dépasse pas 32°), mais l’air est chargé d’électricité, de moiteur, de tsé-tsés et de moustiques. C’est aux jambes particulièrement que ces derniers s’attaquent ; aux chevilles, que ne protègent pas les souliers bas ; ils s’aventurent dans le pantalon, attaquent les mollets ; même à travers l’étoffe on a les genoux dévorés. La sieste est impossible. C’est du reste l’heure des papillons. Je commence à les connaître à peu près tous ; lorsqu’un nouveau paraît, la joie en est plus vive.
    19 septembre.
     
    Le Largeau, vainement attendu depuis deux jours, s’amène au petit matin. Nous arborons un drapeau blanc en face de la mission, et le Largeau s’arrête au petit débarcadère, ce qui épargne le difficile trimballement de notre bagage en pirogue. Le harcèlement constant des moustiques et des tsé-tsés nous fait abandonner Liranga sans regrets.
    Le Largeau est un navire de cinquante tonnes ; fort agréable ; bonnes cabines ; salon à l’avant ; grande salle à manger ; électricité partout. Il est flanqué de deux chalands-baleinières, selon l’usage de ce pays. En plus du capitaine Gazangel, nous sommes les seuls blancs à bord ; mais voyage avec nous le « fils Mélèze », un mulâtre assez agréable d’aspect et de manières. Son père est l’un des plus célèbres colons du « couloir ».
    Nous quittons le Congo pour l’Oubangui. Les eaux chargées de limon prennent une couleur de café-crème.
    Vers deux heures, une tornade nous force d’accoster pendant une heure à l’avant d’une île. Aspect préhistorique du paysage. Trois noirs superbes ont gagné la rive à la nage. Ils circulent à travers l’enchevêtrement de la forêt inondée et cherchent à couper de grandes gaules pour le sondage.
    Vers le soir, une pirogue très étroite vient à nous. C’est W., le propriétaire du prochain poste à bois, qui voudrait savoir si nous ne lui apportons pas de courrier. Il gagne Coquillatville pour se faire soigner, ayant reçu, dit-il, « cinq ou six coups de godiche bien tapés ». C’est ainsi qu’on appelle ici les accès de fièvre.
    Arrêt à Boubangui pour la nuit. Le peuple qui s’empresse n’est ni beau, ni sympathique, ni étrange. L’on nous confirme ce que nous disait le fils Mélèze : les cases de ce village, à l’époque des crues, sont inondées durant un mois et demi. On a de l’eau jusqu’à mi-cuisses. Les lits sont alors juchés sur despilotis. On cuisine au sommet de petits monticules de terre. On ne circule plus qu’en pirogue. Comme les cases sont en torchis, l’eau désagrège le bas des murs. Le capitaine nous affirme que certains villages restent inondés pendant trois mois.
    20 septembre.
     
    En excellente humeur de travail. Le monotone aspect du pays y invite. J’achève un petit livre de Cresson : Position actuelle des problèmes philosophiques. Son exposé de la philosophie de Bergson me persuade que j’ai longtemps été bergsonien sans le
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