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Terribles tsarines

Terribles tsarines

Titel: Terribles tsarines
Autoren: Henri Troyat
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d'années n'est pas une garantie suffisante, car, si elle est proclamée impératrice, il reviendra vers elle au galop et n'aura de cesse que d'avoir entraîné le pays dans des guerres coûteuses et inutiles. La benjamine, Prascovie Ivanovna, rachitique et scrofuleuse, n'a ni la santé, ni la clarté d'esprit, ni l'équilibre moral qu'exige la direction des affaires publiques. Reste la deuxième, Anna Ivanovna. Elle avoue trente-sept ans et passe pour avoir de l'énergie à revendre. Veuve depuis 1711 de Frédéric-Guillaume, duc de Courlande, elle continue de vivre à Annenhof, près de Mitau, dans la dignité et le dénuement. Elle a failli épouser Maurice de Saxe, mais s'est entichée depuis peu d'un hobereau courlandais, Johann-Ernest Bühren. Au cours de son exposé, Dimitri Galitzine glisse sur ce détail et promet que, de toute façon, si le Haut Conseil l'exige, elle abandonnera sans regret son amant pour accourir en Russie. Ayant lu, sur le visage des hauts conseillers, que son plaidoyer les a convaincus, il dit encore :
    « Donc, nous sommes d'accord pour Anna Ivanovna. Mais il faut alléger tout cela ! »
    Surpris par cette formule ambiguë, Gabriel Golovkine demande :
    « Comment l'entendez-vous ?
    — J'entends que nous devons nous assurer un peu plus de liberté ! »
    Comprenant que, dans la pensée de Dimitri Galitzine, il s'agit de rogner, d'une façon déguisée, sur les pouvoirs confiés à la tsarine afin d'élargir ceux du Haut Conseil secret, tout le monde acquiesce. Les représentants des plus anciennes familles de Russie, réunis en conclave, voient dans cette initiative une occasion inespérée de renforcer l'influence politique de la noblesse de vieille souche, face à la monarchie héréditaire et à ses serviteurs occasionnels. Par ce tour de passe-passe, on volerait à Sa Majesté un pan de la « dalmatique impériale » tout en feignant de l'aider à la revêtir. Après une suite de discussions byzantines, il est entendu entre les auteurs du projet qu'Anna Ivanovna sera reconnue tsarine, mais qu'on limitera ses prérogatives par une série de conditions auxquelles elle devra souscrire préalablement.
    Là-dessus, les membres du Haut Conseil secret se rendent dans la grande salle du palais où une multitude de dignitaires civils, militaires et ecclésiastiques attendent le résultat de leurs délibérations. En apprenant la décision prise par les conseillers supérieurs, l'évêque Théophane Prokopovitch rappelle timidement le testament de Catherine I re selon lequel, après la mort de Pierre II, la couronne devrait revenir à sa tante Élisabeth, en tant que fille de Pierre I er et de la défunte impératrice. Peu importe que cette enfant soit née avant le mariage de ses parents : sa mère lui a transmis le sang desRomanov, dit-il, et rien d'autre ne compte quand l'avenir de la sainte Russie est en jeu ! A ces mots, Dimitri Galitzine, indigné, vocifère : « Nous ne voulons pas de bâtards 1  ! »
    Souffleté par cette apostrophe, Théophane Prokopovitch ravale ses objections et on passe à l'étude des « conditions pratiques ». L'énumération des entraves au pouvoir impérial se termine par le serment imposé à la candidate : « Si je n'observe pas ce que j'ai promis, je consens à perdre ma couronne. » D'après la charte imaginée par les conseillers supérieurs, la nouvelle impératrice s'engage à travailler à l'extension de la foi orthodoxe, à ne pas se marier, à ne pas désigner d'héritier et à maintenir auprès d'elle le Haut Conseil secret, dont le consentement lui sera toujours nécessaire pour déclarer la guerre, conclure la paix, lever des impôts, intervenir dans les affaires de la noblesse, nommer des responsables aux postes clefs de l'empire, distribuer des villages, des terres, des paysans et régler ses dépenses personnelles sur les deniers de l'État. Cette cascade d'interdits stupéfie l'assistance. Le Haut Conseil secret n'est-il pas allé trop loin dans ses exigences ? N'est-on pas en train de commettre un crime de lèse-majesté ? Ceux qui craignent que les pouvoirs de la future impératrice ne soient réduits sans égard pour la tradition se heurtent à ceux qui se réjouissent d'un renforcement du rôle des vrais boyardsdans la conduite de la politique en Russie. Mais très vite les seconds l'emportent sur les premiers. De tous côtés, on clame : « C'est encore la meilleure façon d'en sortir ! » Même l'évêque
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