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Terribles tsarines

Terribles tsarines

Titel: Terribles tsarines
Autoren: Henri Troyat
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l'empressement de La Chétardie à la congratuler, Élisabeth lui accorde dans la soirée une entrevue mi-amicale, mi-protocolaire. Il la trouve fatiguée, engraissée, mais si gentille en paroles qu'il s'imagine l'avoir retournée comme un gant et qu'elle a déjà oublié ses derniers griefs contre la France. Mais, alors qu'il s'apprête à déployer devant elle toute la séduction dont il est capable, il se heurte à l'ambassadeur de France en titre, M. d'Allion. Celui-ci, mortifié par une concurrence qu'il juge déloyale, ne sait qu'inventer pour lui mettre des bâtons dans les roues. Après une série de malentendus, les deux représentants de Louis XV échangent des injures, des gifles et tirent leurs épées du fourreau. Bien que blessé à la main, La Chétardie ne perd pas un pouce de sa dignité. Puis, constatant l'inanité de cette querelle de deux Français en territoire étranger, les adversaires, bon gré, mal gré, se réconcilient. On est à la veille de Noël. Or, c'est précisément en cette fin d'année 1743 que la nouvelle tant espérée par Élisabeth lui arrive de Berlin : le roi de Prusse, sollicité par différents émissairesde choisir une fiancée pour l'héritier du trône de Russie, a enfin déniché la perle. Une princesse de naissance suffisante, d'extérieur agréable et de bonne éducation, qui fera honneur à son époux sans être tentée de l'éclipser.
    C'est exactement le genre de belle-fille dont rêve l'impératrice. La candidate, qui n'a que quinze ans et qui a vu le jour à Stettin, se nomme Sophie d'Anhalt-Zerbst, Figchen pour ses proches. Son père, Christian-Auguste d'Anhalt-Zerbst, n'est même pas prince régnant et se borne à diriger son petit apanage héréditaire sous la protection condescendante de Frédéric II. La mère de Sophie, Johanna de Holstein-Gottorp, est la cousine germaine de feu Charles-Frédéric, père de ce grand-duc Pierre dont Élisabeth a fait son héritier. Johanna a vingt-sept ans de moins que son mari et de grandes ambitions pour sa fille. Tout cela est, aux yeux de la tsarine, merveilleusement familial, germanique et prometteur. Rien qu'à étudier, branche par branche, surgeon par surgeon, la généalogie de la promise, Élisabeth se sent en pays de connaissance. Elle a même l'illusion que c'est elle qui va se marier. Mais avec qui ? Si elle est d'avance bien disposée à l'égard de la jeune fille, elle l'est moins à l'égard du prétendant, qu'elle ne connaît que trop. Son neveu la déçoit : elle voudrait qu'il fût plus impatient d'apprendre le résultat des manœuvres matrimoniales qui se poursuivent loin de lui. La principale intéressée est d'ailleurs, elle aussi, tenue à l'écart des tractations dont elle estl'objet. Tout se passe en échange de lettres confidentielles entre Zerbst, où résident les parents de Sophie, Berlin, où siège Frédéric II, et Saint-Pétersbourg, où l'impératrice piaffe dans l'attente des nouvelles de Prusse. Les renseignements qu'elle a pu recueillir jusqu'à présent sur la jeune fille concordent harmonieusement : au dire des rares personnes qui l'ont rencontrée, elle est gracieuse, cultivée, raisonnable, parle le français aussi bien que l'allemand et, malgré son âge tendre, se conduit en toute circonstance avec pondération. N'est-ce pas trop beau pour être vrai ? se demande Élisabeth. Le portrait de Figchen que Frédéric II lui fait envoyer achève de la conquérir. La petite princesse est véritablement à croquer, avec son frais visage et son regard innocent. Par crainte d'une déception de dernière minute, la tsarine cache encore à son entourage l'imminence du grand événement qu'elle a préparé pour le bonheur de la Russie. Mais, si Alexis Bestoujev n'en sait rien, les diplomates proches de la Prusse sont au courant et ils ont du mal à se taire. Mardefeld informe, jour par jour, La Chétardie et Lestocq de l'avancement des pourparlers. Çà et là, des rumeurs transpirent. Le clan francophile se réjouit — mais avec une certaine prudence ! — de l'arrivée à la cour de cette princesse élevée, dit-on, par une institutrice française. Bien que prussienne de sang, elle ne peut, étant donné l'enseignement qu'elle a reçu de sa gouvernante, que servir la cause de la France. Et cela, même si le projet de mariage tombe à l'eau !
    De dépêche en dépêche, Élisabeth est avertie que la jeune fille et sa mère se sont rendues à Berlin, qu'elles y ont reçu la
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