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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz
Autoren: Thomas Gève
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Platz , nous étions seuls à présent, de retour dans l’appartement de mes grands-parents, chez qui nous habitions à ce moment-là, au 19, Winterfeldstrasse.
    « Tu sais, à l’avenir, je vais avoir beaucoup à faire avec les préparatifs pour aller retrouver Papa, disait ma mère en soupirant, et tes grands-parents ont leurs problèmes, eux aussi. Il va falloir que tu sois bien sage, sans qu’on ait besoin de te le rappeler, tu comprends ? »
    À compter de ce jour, je réalisai pour la première fois ce que les gens voulaient dire lorsqu’ils prononçaient ces mots : « à l’avenir ». Je me mis à y penser très sérieusement, en me demandant ce qui allait se passer. Tout était arrivé de manière si impromptue, si inattendue… beaucoup trop vite, pour que je puisse comprendre.
    Je suis né en automne 1929, sur les bords de la Baltique, près de l’Oder. Ma mère était également d’ici, et mon père venait de Beuthen, une ville en Haute-Silésie.
    Lorsque j’étais petit, les visages nouveaux me causaient beaucoup de frayeur et je passais mon temps, comme la plupart des enfants, à hurler. La nuit, le retentissement des sirènes de pompiers ajoutait à ma terreur. J’avais l’impression que c’était le cri d’un monstre invisible dans le noir, qui allait me sauter dessus et m’attraper.
    En grandissant, les choses s’arrangèrent. Tante Ruth, la sœur de ma mère, m’emmenait avec elle en barque, sur l’Oder, pour aller dans notre jardin. C’était bien plus amusant d’être dans un bateau, au milieu des courants, que d’avoir le privilège d’aller choisir et manger nos meilleures tomates. Parfois, nous partions en excursion autour des lacs, mais je m’y ennuyais souvent, car l’essentiel de la conversation tournait toujours autour d’interminables débats sur les bonnes manières à table. Mon passe-temps favori était de ramasser des escargots. C’était si amusant d’attraper et de collectionner ces petites boules bigarrées et baveuses, qui grimpaient le long des murs des parcs !
    Toutes ces jolies choses prirent fin avec la venue d’Hitler au pouvoir. Je n’avais que trois ans, mais je sentais déjà confusément que j’allais être confié à des membres de la famille. Mon père, qui était chirurgien, perdit son travail, de sorte que nous dûmes retourner dans sa province natale. La famille de ma mère, quant à elle, déménagea à Berlin.
    Beuthen était une ville minière de près de 100 000 habitants, où habitait une forte minorité polonaise. La frontière entre les deux pays se perdait dans un dédale de banlieues, de parcs et même de tunnels, et il y avait des rues, où les tramways allemands et polonais roulaient indifféremment. On parlait aussi bien polonais du côté allemand qu’allemand du côté polonais, ce qui fait que je n’étais jamais tout à fait sûr, lorsque je rentrais de promenade en banlieue, de quel côté de la frontière je me trouvais réellement.
    Mais les choses se compliquaient encore lorsqu’on se trouvait sur la grand-place de la ville, dont je ne comprenais pas pourquoi elle avait si souvent changé de nom. Pour les gens simples, malgré la consonance étrangère, elle était le Boulevard  ; pour ceux qui se piquaient d’histoire, la place François-Joseph  ; enfin, pour le beau linge du nouveau pouvoir municipal, elle était désormais rebaptisée place Adolf-Hitler .
    C’est ici même que les vrais et loyaux Allemands avaient prêté serment d’allégeance à leur nouveau dieu. Si on me l’avait proposé, je me serais bien joint à eux. Fichtre ! Le nouveau culte avait de quoi me séduire : drapeaux, chevaux étincelants, uniformes rutilants et chamarrés, fanions, fanfares, le tout gratuitement en plus, sans que j’aie à demander à Papa de m’emmener voir Guignol ou que je doive passer une heure à faire la conversation à Tatie pour pouvoir approcher de son poste de radio, cette boîte mystérieuse dont le contenu me demeurait obscur. Cette admiration ambiguë me valut tout de même un blâme sévère, rattrapé par le fait qu’on me donna un peu plus d’argent de poche. Pour éviter des ennuis ultérieurs, la famille m’engagea à m’« aligner » du côté des antinazis (au cas où un petit garçon de quatre ans aurait pu comprendre ce que cela pouvait bien vouloir dire !) Sur la grand-place, alors que les autres petits garçons apprenaient qu’ils étaient d’essence supérieure, écoutant
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