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Survivant d'Auschwitz

Survivant d'Auschwitz

Titel: Survivant d'Auschwitz
Autoren: Thomas Gève
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comme au paradis.
     
    La plupart des Juifs, quand ils le purent, émigrèrent. Mon père, un sioniste connu de la première heure, voulait que nous partions en Angleterre, d’où nous devions rejoindre la Palestine, terre d’Israël. Mais les choses ne se présentèrent pas bien. Certes, on parlait beaucoup du Birobidjan, mais peu de gens le prirent au sérieux ; des Juifs polonais, dont personne ne voulait – les Polonais pas plus que les Allemands – furent déportés et placés de force sur la zone frontalière ; quant aux Juifs allemands, ils répétaient à l’unisson : « Tout cela ne peut pas nous arriver, nous sommes allemands. » Le doute ne les traversait pas un instant…
    Il y avait aussi la rumeur, cette inévitable compagne de la censure. Nous connaissions un « Aryen » (c’est-à-dire un Allemand de pure souche germanique, selon la définition d’Hitler), membre du bataillon de travail de l’ Organisation Todt (O.T.* 1 ). Le chômage l’avait poussé à rentrer dans les rangs de ce corps sous-payé, chargé des travaux publics et des projets de construction de canalisations. Il affirmait tout savoir de ce qui se passait et nous conseillait de quitter l’Allemagne au plus vite. Ses prédictions étaient des plus sombres, voire basées sur un certain fond de méchanceté, et s’il avait évoqué l’énorme camp de concentration qui figurait déjà au programme secret de sa brigade, nous l’aurions pris pour un menteur devant l’Éternel.
    Nous déménageâmes au cours de l’été 1939 dans un quartier ouvrier de l’ouest de Berlin, afin d’y partager un appartement avec la famille de ma mère.
    Mon père partit pour l’Angleterre à ce moment-là.
    1 - Grg : groupe de génie civil & militaire nazi, en charge de projets de construction en Allemagne et en Europe occupée dont le mur de l’Atlantique.
     

 
    Chapitre 2
    1939-1943
    Maman était très occupée avec les préparatifs de notre émigration et m’avait placé sous la houlette de sa sœur, professeur de dessin et d’anglais. Tante Ruth avait toutes les qualités d’une véritable amie et ses élèves l’adoraient pour son esprit et ses idées d’avant-garde.
    Bientôt elle m’emmena dans son école de la Rykesstrasse , au nord de Berlin. Mes copains de classe étaient de vrais gosses de la ville. Ils parlaient berlinois entre eux, faisaient les malins et frimaient tout le temps. Au début, je passais pour un gros plouc de campagne, mais finalement ils trouvèrent des qualités à mon sens de la sobriété et je devins, à mon tour, un gosse de Berlin. Une fois passées les premières frayeurs liées à la démesure de la ville, je me mis à en comprendre l’ordonnancement.
    Les immeubles semblaient vouloir se tenir chaud : ils se serraient les uns contre les autres et formaient une rue. Des bâtiments de moindre taille se pressaient dans les arrière-cours – certains immeubles en comptaient jusqu’à quatre – et, pour éviter qu’ils perdent leur aspect convivial, la loi en limitait la hauteur à cinq étages.
    Le soleil ne manquait pas d’« espace vital », mais réduisait au minimum ses visites à l’intérieur de ces citadelles et lorsque ses rayons tendres et chauds pointaient jusque dans leurs arrière-cours, ils se voyaient alors investis de multiples tâches par les Berlinois : sécher le linge, chauffer les rhumatismes, donner des couleurs à Bébé, endormir Minet et l’envoyer au paradis ensoleillé des chats, ou encore offrir suffisamment de chaleur aux punaises, pour qu’elles s’enhardissent à se laisser tomber sur l’oreiller blanc et moelleux qui était posé sur la fenêtre de l’étage inférieur.
    Le jour, la ville était réglée par un va-et-vient de gens qui, tels les automates d’une horloge céleste, en fixaient le rythme. Le boulanger, le laitier et le marchand de journaux ouvraient le mouvement, suivis un peu plus tard par une cohorte de gens qui nous impressionnaient beaucoup : des colporteurs avec leur choix varié de brosses, d’allumettes, de cirage, de fleurs, des chiffonniers et un joueur d’orgue de barbarie.
    Les murs de briques sales renvoyaient l’écho de la vie quotidienne : une radio hurlante, un tapis qu’on battait, les cris des enfants, le grincement des escaliers en bois, le gazouillis des canaris ou les voix rauques de gens qui se disputaient – rien ne leur échappait.
    Berlin, quel que fût le nom de l’Empereur, n’obéissait toujours
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