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Souvenirs d'un homme de lettres

Souvenirs d'un homme de lettres

Titel: Souvenirs d'un homme de lettres
Autoren: Alphonse Daudet
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duc d'Aumale n'eut point
l'air fâché, et j'étais ravi dans mon coin de la correcte et digne
attitude de mon ancien camarade ; mais je ne pus l'en
féliciter, voici pourquoi. Paris à peine débloqué, tout tremblant
encore de la fièvre obsidionale, j'avais écrit sur Gambetta et la
défense en province un article sincère mais très injuste, que j'ai
eu grand plaisir, une fois mieux informé, à retrancher de mes
livres. Tout Parisien était un peu fou à ce moment, moi comme les
autres. On nous avait tant menti, tant joués. Nous avions lu aux
murs des mairies tant d'affiches rayonnant l'espoir, tant de
proclamations enlevantes suivies le lendemain de si lamentables
retombées à plat ; on nous avait fait faire fusil sur l'épaule
et sac au dos tant d'imbéciles promenades ; on nous avait
tenus si souvent à plat ventre dans la boue ensanglantée,
immobiles, inutiles, bêtes, tandis que les obus nous pleuvaient sur
le dos ! Et les espions, et les dépêches !
« Occupons les hauteurs de Montretout, l'ennemi
recule ! » ou bien encore : « À l'engagement
d'avant-hier, avons pris deux casques et la bretelle d'un
fusil. » Cela pendant que, ne demandant qu'à sortir et
combattre, quatre cent mille gardes-nationaux battaient la semelle
dans Paris ! Puis, les portes ouvertes, ç'avait été autre
chose ; et tandis qu'on disait à la province :
« Paris ne s'est pas battu ! » on soufflait à
Paris : « Tu as été lâchement abandonné par la
province. » Si bien que furieux, honteux, impuissants à rien
distinguer dans ce brouillard de haine et de mensonge, soupçonnant
partout la trahison, la lâcheté et la sottise, on avait fini par
tout mettre, Paris et Province, dans le même sac. L'accord s'est
fait depuis quand on a vu clair. La province a appris ce que, cinq
mois durant, Paris a déployé d'héroïsme inutile ; et moi,
Parisien du siège, j'ai reconnu pour mon humble part combien furent
admirables l'action de Gambetta dans les départements, et ce grand
mouvement de la Défense où nous n'avions tous vu d'abord qu'une
série de fanfaronnes tarasconnades.
    Nous nous sommes rencontré de nouveau avec
Gambetta, il y a deux ans. Aucune explication, il est venu a moi,
les mains tendues ; c'était à Ville-d'Avray, chez l'éditeur
Alphonse Lemerre, dans la maison de campagne qu'a si longtemps
habitée Corot. Une maison charmante, faite pour un peintre ou un
poète, tout dix-huitième siècle avec ses boiseries conservées, des
trumeaux sur les portes, et un petit portique pour descendre au
jardin. C'est dans le jardin que nous déjeunâmes, en plein air,
parmi les fleurs et les oiseaux, sous les grands arbres virgiliens
que le vieux maître aimait à peindre, d'un vert si doux au frais
voisinage des étangs. On resta l'après-midi à se rappeler le passé
et comme quoi nous sommes à Paris, Gambetta, le docteur et moi, les
derniers survivants de notre table d'hôte. Puis vint le tour de
l'art, de la littérature. Gambetta, je le constatai avec joie,
lisait tout, voyait tout, demeurait expert connaisseur et fin
lettré. Ce furent cinq heures délicieuses, ces cinq heures passées
ainsi, dans cet abri fleuri et vert, placé entre Paris et
Versailles, et si loin pourtant de tout bruit politique. Gambetta,
paraît-il, en comprit le charme : huit jours après ce déjeuner
sous les arbres, il s'achetait, lui aussi, une maison de campagne à
Ville-d'Avray.

Histoire de mes livres : Numa
Roumestan
    Quand j'ai commencé cette histoire de mes
livres, où l'on a pu voir de la fatuité d'auteur, mais qui me
semblait à moi la vraie façon, originale et distinguée, d'écrire
les mémoires d'un homme de lettres dans la marge de son œuvre, j'y
prenais – je l'avoue – beaucoup de plaisir. Aujourd'hui mon
agrément est moindre. D'abord l'idée a perdu de sa saveur, utilisée
par plusieurs de mes confrères, et non des moins illustres ;
puis l'envahissement toujours montant du grand et du petit
reportage, le tumulte et la poussière qu'il soulève autour de la
pièce ou du livre, sous forme de détails anecdotiques qu'un
écrivain qui n'est ni pontife, ni grognon se laisse volontiers
arracher. Et voilà ma besogne autohistorique devenue plus
difficile ; on m'a éculé des chaussures fines que je me
réservais de ne porter que de loin en loin.
    Il est bien certain, par exemple, que tout ce
qu'ont écrit les journaux, il y a quelques mois, à propos de la
comédie tirée de
Numa Roumestan
et jouée à
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