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Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu

Titel: Madame Thérèse ou Les Volontaires de 92 - Pourquoi Hunebourg ne fut pas rendu
Autoren: Erckmann-Chatrian
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conservent des
vivres pour soutenir le siège. On admirera leur conduite de siècle
en siècle, et la postérité dira d’eux : « Jacques, André,
Joseph étaient des braves ».
    Des cris frénétiques de : « Vive
l’Empereur ! vive le commandant ! » accueillirent
cette harangue. – Le tambour battit ; Fargès tira
majestueusement son sabre, fit ranger sa petite troupe en colonne
et commanda le départ.
    Les vétérans, pleins d’ardeur, partirent du
pied gauche, et Jean-Pierre Noël, les bras croisés sur la poitrine
et la jambe de bois en avant, les suivit du regard jusqu’à ce
qu’ils eussent disparu derrière l’esplanade.
    Après avoir gravi les pentes boisées du
Homberg, qui dominent les trois villages de Hâzenbruck, de
Véchenbach et de Rôsenvein, la petite troupe de Fargès avait fait
halte sur le plateau de la Roche-Creuse. Il était environ neuf
heures du soir. La lune commençait à poindre derrière les hautes
sapinières. Fargès et le caporal Lombard, assis au pied d’un arbre,
le fusil entre les jambes, discutaient leur plan d’attaque,
lorsqu’une clameur confuse monta subitement des profondeurs de la
vallée. Le sergent se leva tout surpris et regarda Lombard ;
celui-ci, rapide comme la pensée, mit un genou à terre et colla son
oreille contre le pied de l’arbre. À le voir, immobile au milieu
des ténèbres, retenant son haleine, pour saisir le moindre murmure,
on eût dit un vieux loup à l’affût.
    Cependant nul autre bruit que le vague
frémissement du feuillage ne se faisant entendre, il allait se
relever, quand un souffle de la brise apporta de nouveau du fond de
la gorge le tumulte qu’ils avaient perçu d’abord, mais cette fois
beaucoup plus distinct. C’était le roulement confus que produit la
marche d’un troupeau, accompagné des sons champêtres d’une trompe
d’écorce.
    Le caporal se releva lentement ; un éclat
de rire étouffé fendait sa bouche jusqu’aux oreilles, et ses yeux
scintillaient dans l’ombre :
    – Nous les tenons ! dit-il…
hé ! hé ! hé ! nous les tenons !
    – Qui ça ?
    – Les paysans ! Ah ! les
gueux ! ils se sauvent dans les bois avec leur bétail. On leur
a donné l’éveil… Quelle chance !… Quelle chance !…
    Puis, sans autre commentaire, il se glissa
presque à quatre pattes entre les broussailles. On vit les vétérans
se dresser un à un, saisir leurs fusils et disparaître derrière les
sapins. Les sentinelles imitèrent ce mouvement, et rien ne bougea
plus dans le fourré.
    La petite troupe se tenait cachée depuis un
quart d’heure, lorsque deux montagnards parurent au fond des pâles
clairières. Ils gravissaient le ravin à pas lents. Quand ils eurent
atteint la roche plate, ils s’arrêtèrent pour respirer et reprendre
la suite d’une conversation interrompue.
    Le premier était grand et maigre ; il
avait un immense parapluie sous le bras gauche, un tricorne posé
sur l’occiput, et le profil d’un veau qui tette.
    Le second, également coiffé d’un tricorne,
faisait face à Lombard, et la lune éclairait en plein sa figure
fine et astucieuse : son nez pointu, ses yeux vifs, ses lèvres
sarcastiques et tout l’ensemble de sa petite personne annonçaient
quelque diplomate de village.
    – Monsieur le maire, dit le petit homme
au grand maigre, vous avez tort de vous chagriner. Votre place est
à vous… Pétrus Schmitt ne l’aura pas !
    – Ça dépend, Daniel, il pourra dire que
j’ai emmené les bestiaux du village, pour empêcher la garnison
d’avoir des vivres… et pour la faire périr de famine…
    – Ah bah ! vous n’y êtes pas.
Écoutez, monsieur le maire. Si le roi – ici le petit homme
souleva son chapeau d’un geste respectueux – si notre bon roi
revient, vous direz : « J’ai sauvé les bestiaux du
village, pour que la garnison ne puisse pas les avoir, et qu’elle
rende la place aux armées de notre bon roi Louis ! »
Alors, M. le préfet dira : « Oh ! le brave
homme… le brave homme… qui aime l’honneur de son vrai
maître ! » On vous enverra la croix… voilà… c’est
sûr !
    – La croix, Daniel ?… la croix avec
la pension ?
    – Je crois bien… avec la pension…
    – Oui… mais, balbutia le maire, si… si
l’autre enfonce notre bon roi… notre vrai roi…
    – Halte ! halte là, monsieur le
maire ; il sera roi pour de vrai, s’il est le plus fort. Mais
si notre grand empereur enfonce les ennemis de la
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