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L'inconnu de l'Élysée

L'inconnu de l'Élysée

Titel: L'inconnu de l'Élysée
Autoren: Pierre Péan
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c'est le seul personnage sur lequel il est possible d'écrire n'importe quoi et diffuser les pires horreurs sans aucun risque, puisque les attaquants bénéficient d'une complète impunité, le président ne demandant jamais à la justice de châtier les diffamateurs.

    Je comprends mieux maintenant ces mots de Juppé 5  : « Il y a, chez Chirac, des moments de naïveté et d'affection qui sonnent vrai. Je sais que je ne pourrai en persuader aucun des observateurs de la vie politique. Mais, en l'espèce, ce n'est pas grave. Ce qui compte, c'est ce que je ressens, moi, au fond de mon cœur. Et que je continue à ressentir plus que jamais aujourd'hui, alors que l'hallali est sonné et que, de tous côtés, se déchaînent les meutes. » C'est à cet hallali que j'ai souhaité réagir. J'ai rencontré un homme qui aime les autres, un modeste qui doute constamment de lui, et qui, souvent, se dévalorise et semble trouver tout naturel le rôle de bouc émissaire ou de punching-ball des uns et des autres, de droite comme de gauche. « Si l'on ne veut pas recevoir des coups, on ne fait pas de politique », répète-t-il souvent. Il connaît la terre entière, mais c'est, me semble-t-il, un homme assez seul. Si son cursus (Sciences-Po, ENA) est grosso modo celui des principaux hommes politiques français, sa culture parallèle l'a maintenu à distance des élites médiatico-intellectuelles de notre pays. Jacques Chirac n'a jamais cherché à se faire adouber par celles-ci, estimant probablement que l'amour du peuple français était plus important. Ce qui n'arrange rien, c'est qu'il n'aime pas le parisianisme qui, pour lui, ne résume absolument pas la France. « Pour moi, en Corrèze, le cœur de la France bat très fort », a-t-il encore dit lors de ses vœux dans son département.
    Chirac a été, est de son temps. Sa fuite adolescente, qui le conduisit sur la route de la Soie et de Bouddha, lui a donné une vision du monde originale pour un chef d'État occidental. Malgré sa longévité politique, ce sentiment viscéral sur l'égalité des cultures a fait de lui un président parfaitement adapté à son temps.
    Son attachement à François Mitterrand m'a aussi frappé. Il y est souvent revenu. Il en parlait souvent à Hubert Védrine. La transmission des pouvoirs faite par son prédécesseur ne s'est pas limitée à une convention rituelle. Mitterrand l'a installé dans le bureau du général de Gaulle, lui qui apparemment – mais seulement en apparence –, le détestait. Jacques Chirac préfère oublier les altercations et combats pour ne se souvenir que des bons moments.
    Je termine cet Inconnu de l'Élysée au moment où Jacques Chirac achève le rituel des séances de vœux pour l'année 2007. Vœux dont le contenu et la forme complètent les quinze rencontres et entretiens téléphoniques que j'ai eus avec lui. Même si, ce jour-là, les conditions ne sont apparemment pas réunies pour qu'il songe à se représenter à un troisième mandat, Jacques Chirac demeure un conquérant, un bagarreur. N'a-t-il pas dit, lors de ses vœux à la presse, qu'il allait réfléchir à l'éventualité d'une troisième candidature ? Qu'il allait peser sur le débat électoral ? Le contenu de ses vœux ressemblait en effet à s'y méprendre à un programme pour les cinq prochaines années, si différent de celui de Sarkozy que Libération a fait sa une sur « le programme antiSarko de Chirac ». Le président en place promet une importante baisse des impôts sur les sociétés, le lancement d'une agence pour l'industrialisation des territoires, une relance du processus de paix au Proche-Orient, il dresse un état des lieux de la planète qui suggère qu'il faudrait quelqu'un comme lui pour poursuivre la seule politique qui vaille, la sienne, il se prononce contre les « ruptures », notamment institutionnelles, et condamne le libéralisme et les idéologies…
    La forme de ces vœux amplifiait l'impact d'un contenu assez peu habituel. Le changement de cadre du rituel, ce 31 décembre, soulignait qu'ils ne se voulaient pas une fin, mais le début d'autre chose. Début de quoi ? Le lapsus commis par le président devant les forces vives, quand, au lieu d'inscrire le projet de réforme de l'impôt sur les sociétés dans les cinq ans à venir, il a parlé de « vingt ans », a laissé à chacun le choix de son interprétation : alors que beaucoup le jugent trop vieux pour se représenter, se sent-il jeune comme à
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