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L'holocauste oublié

L'holocauste oublié

Titel: L'holocauste oublié
Autoren: Christian Bernadac
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depuis l’arrachement à leur tribu, avaient trouvé un peu de chaleur, un peu d’amitié, un peu d’amour. Mes yeux baignaient dans un océan de larmes, je devais me cramponner pour ne pas pleurer. Au moins… pas maintenant, pas devant elles. Tout à l’heure oui, au creux de mon armoire à pharmacie. Rally avait déjà la main sur la poignée de la porte. Rally pleurait. Je me précipitai dans ses bras pour l’embrasser. Les autres femmes me serraient, me touchaient… puis comme une volée de moineaux, elles ont disparu courant vers leur block.
    Jamais, tout au long de ma vie – sauf en retrouvant les miens à la fin de la guerre – je ne devais vivre des minutes d’aussi intense bonheur : une émotion aussi profonde ; une aussi grande vraie joie. Un souffle immense d’espérance, de foi en l’être humain.
    Et mes tsiganes pour les autres, pour pratiquement tous et toutes les autres du camp sont redevenues « les ordures », « les piqueuses », « la merde ». Il n’aurait servi à rien de leur expliquer qu’elles se trompaient, que ce n’était pas vrai, que les tsiganes étaient comme toutes les autres femmes ; dans beaucoup de cas, mieux, meilleures que toutes les autres femmes ; qu’il fallait simplement les comprendre, essayer de franchir la barrière de leur isolement qui était certainement unique, analyser leurs souffrances, leur incompréhension du monde dans lequel nous avions été projetées et contre lequel nous étions, en général, mieux armées qu’elles. Je crois que je suis arrivée à convaincre la Polonaise qui m’aidait au Revier. Un jour elle me demanda des vitamines… et nous n’en avions presque plus.
    — « C’est pour qui ?
    — « C’est pour deux tsiganes. »
    J’ai voulu croire que c’était réellement pour les tsiganes. Et aujourd’hui je le crois encore.
    Contrairement à beaucoup de déportés qui pensent que les tsiganes étaient par leur passé, par leur fuite incessante, par leur peu de respect des lois, des conventions, des « biens d’autrui », les mieux préparés à subir la déportation, je suis persuadée, au contraire, que les tsiganes qui connurent une déportation ordinaire, c’est-à-dire qui ne furent pas enfermés dans un camp familial, comme le « camp tsigane » d’Auschwitz, supportèrent très mal, le plus mal, la déportation. Un soir, Rally, qui était venue me voir (elle avait apporté quelques pommes de terre pour les malades), dit à la Polonaise qui nous servait – à peu près – d’interprète.
    — « Ma sœur, je ne sais pas où elle est. Nous avons été séparées dans le premier camp. Mais elle est morte. Je sais qu’elle est morte.
    — « Mais non elle n’est pas morte. Comment peux-tu le savoir. Elle est peut-être dans un bon Kommando.
    — « Non, répondit Rally, elle est morte. Elle nous disait toujours, avant, « je suis un oiseau, je suis l’oiseau qui vole le plus vite, le plus loin, le plus longtemps ». Papa et maman l’appelaient « l’oiseau ». Et je n’ai jamais vu un oiseau dans un camp de concentration. Oiseau est morte. »

UN PEUPLE EN MARCHE
    Orpailleurs, forgerons, étameurs, vanniers, herboristes, maquignons, éleveurs, montreurs d’ours, forains, musiciens, danseurs, chiromanciens, ils sont les tsiganes de nos souvenirs d’enfance. Chacun de nous a conservé dans sa mémoire l’image enfumée d’un campement, le cahotement d’une roulotte, l’envolée d’une robe colorée, peut-être l’odeur des chevaux, les cris des enfants nus, la mélodie d’une chanson dansée. Oui, les tsiganes d’une imagerie d’Épinal, si peu renouvelée depuis cinq ou six siècles, qu’elle provoque toujours, à l’unisson, les mêmes inquiétudes, les mêmes peurs, les mêmes mystères ; pourquoi ne pas l’écrire : le même racisme. Et s’il est vrai que depuis le début du XIX e  siècle, l’étude de ce peuple en marche est devenue une science : la tsiganologie, elle ne semble intéresser que les spécialistes du folklore, des migrations, ou de la philosophie, les ouvrages de référence, épuisant aujourd’hui pratiquement le sujet, ne dépassant jamais un tirage strictement confidentiel. Le terme générique de tsigane, écrit trop souvent à tort tzigane, même par les dictionnaires, couvre toutes les appellations de groupes, de tribus ou de communautés nationales. L’origine du nom est connue :
    — Une (10) appellation a fait fortune, celle
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