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L'hérétique

L'hérétique

Titel: L'hérétique
Autoren: Bernard Cornwell
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de son dos.
Bander un arc équivalait à porter à bras le corps un homme adulte, et toute
cette puissance musculaire était mise dans la flèche.
    Un cavalier voulut se risquer dans la vase, mais son lourd
destrier s’enfonça dans le sol détrempé. Thomas choisit une « tête
large » – que les Français appelaient barbillon –, une flèche de
chasse légère avec une pointe triangulaire et des barbelures latérales qui
déchiraient le ventre et les vaisseaux sanguins des montures. Il visa bas. Le
cheval frémit sous l’effet de l’impact, mais le tireur avait déjà ramassé une
nouvelle pointe sur le sol et l’avait décochée sur un homme d’armes à la
visière relevée. Un maître archer ne vérifiait pas si ses traits atteignaient
leur cible. Il tirait, ramassait une nouvelle flèche, tirait encore.
    La corde de l’arc fouettait le bracelet protège-bras en
corne qu’il portait maintenant sur son poignet gauche. Auparavant, il ne
s’était jamais soucié de protéger son poignet. Curieusement même, il appréciait
la légère brûlure picotante qu’imprimait la corde dans sa chair. Mais depuis la
torture infligée par le dominicain Bernard de Taillebourg, son avant-bras
gauche était recouvert de cicatrices. Voilà pourquoi il utilisait désormais un
bracelet de corne pour ménager sa peau.
    Le frère prêcheur était mort.
    Plus que six flèches. Les Français battaient en retraite,
mais ils n’étaient pas vaincus. On les entendait réclamer à grands cris des
renforts en arbalétriers et en hommes d’armes. En réponse, Thomas plaça dans sa
bouche les deux doigts dont il se servait pour tirer, puis il émit un coup de
sifflet strident. Deux notes – une aiguë et une basse –, répétées
trois fois. Il marqua une pause avant de relancer sa double note. Enfin, il vit
des archers courir vers la rivière. Certains étaient de ceux qui avaient fui
Nieulay. D’autres accouraient de la ligne défensive en avant du petit pont
parce qu’ils avaient reconnu le signal : un de leurs frères archers avait
besoin d’aide.
    Thomas ramassa ses six dernières flèches. Tournant la tête,
il constata que les premiers cavaliers du comte avaient trouvé un gué dans la
rivière. Ils entraînaient leurs chevaux alourdis par leurs pesantes armures au
milieu du courant tourbillonnant. Plusieurs minutes seraient nécessaires pour
que toute la petite troupe puisse traverser. Mais les archers anglais venus à
la rescousse pataugeaient maintenant au bord de l’autre rive et ceux qui
étaient plus proches de Nieulay tiraient déjà sur un groupe d’arbalétriers
dépêché pour se joindre au combat avorté. Enragés à l’idée que les chevaliers
ennemis pris au piège allaient s’échapper, d’autres cavaliers français
descendirent des hauteurs de Sangatte. Deux d’entre eux s’engagèrent au galop
dans le marécage où leurs chevaux se mirent à paniquer sur le sol traître.
Thomas plaça sa dernière flèche sur la corde, mais il estima finalement que le
marécage se débarrasserait fort bien tout seul des deux hommes et qu’il serait
superflu de gâcher une bonne pointe.
    Juste derrière lui, il entendit soudain une voix :
    — Ne serait-ce pas Thomas ?
    — Sire…
    Le jeune homme à genoux ôta vivement son casque et tourna la
tête sans se relever.
    — Tu sembles vraiment bien te débrouiller à l’arc… lui
dit le comte, sur un ton quelque peu malicieux.
    — C’est la pratique, Sire.
    — Et un mental féroce aide bien, aussi, ajouta le noble
en invitant d’un geste son vassal à se relever.
    L’Anglais était un homme râblé, au torse puissant. Ses
archers se plaisaient à dire que son visage buriné ressemblait au cul d’un
taureau, mais ils reconnaissaient aussi qu’il était un vrai combattant, un chef
bon et aussi redoutable que n’importe lequel de ses hommes. Si Northampton
était un familier du roi, il était également l’ami de tous ceux qui portaient
ses armoiries. Il n’était pas homme à envoyer qui que ce soit au combat sans se
placer en première ligne. C’était pour cette raison, notamment, qu’il avait mis
pied à terre et qu’il avait enlevé son heaume afin que toute son arrière-garde
le reconnaisse sans erreur et sache qu’il partageait les risques avec elle.
    — Je pensais que tu étais en Angleterre, dit-il à
Thomas.
    — Je l’étais, répondit celui-ci en français parce qu’il
savait que son suzerain était plus à l’aise dans
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