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L’ESPION DU PAPE

L’ESPION DU PAPE

Titel: L’ESPION DU PAPE
Autoren: Philippe Madral , François Migeat
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urgence bien plus grande que celle de l’instant présent. Va le dire à notre Saint-Père, il le comprendra, lui, puisque tu sembles en douter. Et dis-lui, pour le faire patienter, que j’arrive dès que j’en aurai fini avec l’avenir.
    Vittorio, désemparé sous le regard ironique et brûlant de Stranieri, ne trouve rien à répondre. Stranieri n’attend pas qu’il soit sorti pour se tourner vers son auditoire et reprendre.
    — Troisième règle d’or, la dernière que je vous apprendrai aujourd’hui : savoir faire passer au second plan l’urgence apparente d’une sollicitation présente. « Un danger futur est parfois plus grand qu’un inconvénient momentané. » Notez aussi cette phrase. Que signifie-t-elle, Damiano ?
    Le jeune homme au visage en lame de couteau se lève.
    — Qu’il faut préférer subir cet inconvénient qu’avoir à en endurer un plus grand encore quelque temps plus tard.
    — Bien, Damiano. Bien. Si seulement tu savais sourire ! soupire-t-il.
    Il considère son meilleur élève avant de conclure à l’attention de tous :
    — La qualité d’un espion se mesure, entre autres choses, à cette capacité de hiérarchiser correctement ses urgences…
     
    Voilà plus d’une demi-heure que le pape est sorti de son Conseil et qu’il attend, au côté d’Ambrogiani, l’arrivée de Stranieri. Son castrat est venu lui rapporter la nouvelle insolence de son espion au sujet de la hiérarchie des urgences. Au lieu de s’en agacer, il ne peut s’empêcher d’en sourire. Soit ! pense-t-il, laissons quelques minutes de priorité à l’avenir. Et, comme il aime se déplacer dans le Latran sans qu’on puisse le remarquer, il en profite pour se débarrasser de ses vêtements d’apparat et revêtir une chasuble ordinaire d’ecclésiastique. Coiffé d’un simple bonnet de cuir et chaussé d’une paire de pantoufles bénédictines, il entraîne Ambrogiani jusqu’au chantier de réfection de la chapelle Santi Quatro Coronati.
    Les rapports dont ses cardinaux lui ont donné connaissance n’ont pas contribué à améliorer son humeur. Ils lui ont confirmé que l’Église de Rome était bafouée, moquée, vilipendée un peu partout en Languedoc, et que les seigneurs de la région en prenaient à leur aise avec ses représentants. Pis : que l’hérésie cathare ne progressait pas seulement vers la Provence et les États du nord de l’Italie, mais commençait à faire des adeptes jusqu’en Francie, en Rhénanie, et même en Flandres. Il était temps d’agir, assurément, quelle que soit la façon de s’y prendre pour endiguer cette contagion.
    Arrivé devant le chantier de la chapelle détruite par les Normands, il est saisi de déception. Au lieu de tirer consolation de son avancement, il ne peut que constater la lenteur avec laquelle les ouvriers montent une aile de pierre. Ici, un arc-boutant devrait être terminé depuis plus d’une semaine. Là, des parements de blocage entre les pierres taillées semblent donner des signes de faiblesse. Et, comme pour confirmer ses doutes, un brancard porté par deux maçons passe devant lui, portant un homme au visage ensanglanté.
    — Des pierres mal scellées de la voûte se sont écroulées sur le chantier, lui apprend le mortellier.
    Et l’on voudrait que j’aille dire la messe dans un endroit aussi peu sûr ! pense Innocent III. Cet accident a le don de l’énerver davantage. Décidément, il y a des jours où le Seigneur semble prendre un malin plaisir à accumuler les preuves pouvant faire douter de sa bienveillance. Déçu, il ne peut s’empêcher de faire remarquer la chose à son cardinal.
    — J’ai lancé ce chantier pour la plus grande gloire de Notre-Seigneur, et j’ai la sensation qu’il n’en a cure.
    — La gloire de Notre-Seigneur et de la tienne ! corrige Ambrogiani.
    Le pape n’apprécie pas l’ironie. Que signifie ce persiflage, quand son cardinal sait bien, comme lui, que, pour laisser une trace dans l’Histoire, il faut être un bâtisseur de monuments ? Que c’est finalement la seule preuve tangible du passage sur cette terre d’un pape, d’un empereur ou d’un roi. Et que ce n’est pas seulement pour eux-mêmes qu’ils en appellent à la postérité lorsqu’ils font bâtir ou restaurer des édifices religieux, mais aussi et surtout pour la plus grande gloire de la sainte Église.
    Innocent III ne peut s’empêcher de faire remarquer, en désignant la chapelle :
    — Tu
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