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Les croisades vues par les arabes

Les croisades vues par les arabes

Titel: Les croisades vues par les arabes
Autoren: Amin Maalouf
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prendre à revers. Yaghi Siyan, qui sait combien il est pénible d'arracher une décision à son allié, a tenu à lui envoyer son fils Chams ad Dawla  « le Soleil de l'Etat » , un jeune homme brillant, fougueux, passionné, qui ne lâche jamais prise. Sans répit, Chams fait le siège du palais royal, harcelant Doukak et ses conseillers, se faisant tour à tour flatteur ou menaçant. Néanmoins, ce n'est qu'en décembre 1097, deux mois après le début de la bataille d’Antioche, que le maître de Damas accepte, à contrecœur, de prendre avec son armée la direction du nord. Chams l'accompagne. Il sait qu'en une semaine de route Doukak a amplement le temps de changer d'avis. De fait, à mesure qu'il avance, le jeune roi devient nerveux. Le 31 décembre, alors que l'armée de Damas a déjà couvert les deux tiers du trajet, elle rencontre une troupe franque venue fourrager dans le secteur. En dépit de son net avantage numérique et de la relative aisance avec laquelle il a réussi à encercler l'ennemi, Doukak renonce à donner l'ordre d'attaque. C'est laisser aux Franj, un moment désemparés, le temps de reprendre leurs esprits et de se dégager. Quand la journée arrive à sa fin, il n'y a ni vainqueur ni vaincu, mais les Damascains ont perdu plus d'hommes que leurs adversaires : il n'en faut pas davantage pour décourager Doukak, qui, en dépit des supplications désespérées de Chams, ordonne immédiatement à ses hommes de rebrousser chemin.
    A Antioche, la défection de Doukak provoque la plus grande amertume, mais les défenseurs ne renoncent pas. En ces premiers jours de l098, le désarroi est, curieusement, dans le camp des assiégeants. Beaucoup d'espions de Yaghi Siyan ont réussi à s'infiltrer chez l'ennemi. Certains de ces informateurs agissent par haine des Roum, mais la plupart sont des chrétiens de la ville qui espèrent ainsi s'attirer les faveurs de l'émir. Ils ont laissé leurs familles à Antioche et cherchent à assurer leur sécurité. Les renseignements qu'ils rapportent sont réconfortants pour la population : alors que les provisions des assiégés demeurent abondantes, les Franj sont en proie à la famine. On compte déjà parmi eux des centaines de morts et la plupart des montures ont été abattues. L'expédition qui s'est heurtée à l'armée de Damas avait précisément pour but de trouver quelques moutons, quelques chèvres, et de piller les granges. A la faim s'ajoutent d'autres calamités qui sapent chaque jour un peu plus le moral des envahisseurs. La pluie tombe sans arrêt, justifiant le surnom trivial de « pisseuse » que les Syriens donnent à Antioche. Le camp des assiégeants baigne dans la boue. Et puis il y a cette terre qui ne cesse de trembler. Les gens du pays y sont habitués, mais les Franj s'en effraient; on entend monter jusque dans la ville la grande rumeur de leurs prières, lorsqu'ils se réunissent pour invoquer le ciel, croyant être victimes d'une punition divine. On dit que pour calmer la colère du Très-Haut ils ont décidé de chasser les prostituées de leur camp, de fermer les tavernes et d'interdire les jeux de dés. Les désertions sont nombreuses, même parmi leurs chefs.
    De telles nouvelles renforcent. bien entendu, la combativité des défenseurs, qui multiplient les sorties audacieuses. Comme le dira Ibn al-Athir, Yaghi Siyan manifesta un courage, une sagesse et une fermeté admirables. Et l'historien arabe d'ajouter, porté par son enthousiasme : La plupart des Franj périrent. S'ils étaient restés aussi nombreux qu'à leur arrivée, ils auraient occupé tous les pays d'islam! Exagération bouffonne, mais qui rend un hommage mérité à l'héroïsme de la gamison d'Antioche qui va supporter seule, durant de longs mois, le poids de l'invasion.
    Car les secours continuent de se faire attendre. En janvier 1098, ulcéré par la veulerie de Doukak, Yaghi Siyan est contraint de se tourner vers Redwan. A nouveau c'est Chams ad-Dawla qui reçoit la pénible mission de présenter ses plus humbles excuses au roi d’Alep, d'écouter sans broncher tous ses sarcasmes et de le supplier au nom de l'islam et de ses liens de parenté de daigner envoyer ses troupes pour sauver Antioche. Chams sait très bien que son royal beau-frère est totalement insensible à ce genre d'arguments et qu'il préférerait se couper la main plutôt que de la tendre à Yaghi Siyan. Mais les événements sont plus contraignants. Les Franj, dont la situation alimentaire
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