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Les Confessions

Les Confessions

Titel: Les Confessions
Autoren: Jean-Jacques Rousseau
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celles de
Sparte et de Rome.
    J'avais parlé des Corses, dans le Contrat social, comme d'un
peuple neuf, le seul de l'Europe qui ne fût pas usé pour la
législation; et j'avais marqué la grande espérance qu'on devait
avoir d'un tel peuple, s'il avait le bonheur de trouver un sage
instituteur. Mon ouvrage fut lu par quelques Corses, qui furent
sensibles à la manière honorable dont je parlais d'eux; et le cas
où ils se trouvaient de travailler à l'établissement de leur
république fit penser à leurs chefs de me demander mes idées sur
cet important ouvrage. Un M. Buttafuoco, d'une des premières
familles du pays, et capitaine en France dans Royal-Italien,
m'écrivit à ce sujet, et me fournit plusieurs pièces que je lui
avais demandées pour me mettre au fait de l'histoire de la nation
et de l'état du pays. M. Paoli m'écrivit aussi plusieurs fois; et
quoique je sentisse une pareille entreprise au-dessus de mes
forces, je crus ne pouvoir les refuser pour concourir à une si
grande et belle œuvre, lorsque j'aurais pris toutes les
instructions dont j'avais besoin pour cela. Ce fut dans ce sens que
je répondis à l'un et à l'autre, et cette correspondance continua
jusqu'à mon départ.
    Précisément dans le même temps j'appris que la France envoyait
des troupes en Corse, et qu'elle avait fait un traité avec les
Génois. Ce traité, cet envoi de troupes m'inquiétèrent; et, sans
m'imaginer encore avoir aucun rapport à tout cela, je jugeais
impossible et ridicule de travailler à un ouvrage qui demande un
aussi profond repos que l'institution d'un peuple, au moment où il
allait peut-être être subjugué. Je ne cachai pas mes inquiétudes à
M. Buttafuoco, qui me rassura par la certitude que, s'il y avait
dans ce traité des choses contraires à la liberté de sa nation, un
aussi bon citoyen que lui ne resterait pas, comme il faisait, au
service de France. En effet, son zèle pour la législation des
Corses, et ses étroites liaisons avec M. Paoli, ne pouvaient me
laisser aucun soupçon sur son compte; et quand j'appris qu'il
faisait de fréquents voyages à Versailles et à Fontainebleau, et
qu'il avait des relations avec M. de Choiseul, je n'en conclus
autre chose, sinon qu'il avait sur les véritables intentions de la
cour de France des sûretés qu'il me laissait entendre, mais sur
lesquelles il ne voulait pas s'expliquer ouvertement par
lettres.
    Tout cela me rassurait en partie. Cependant, ne comprenant rien
à cet envoi de troupes françaises, ne pouvant raisonnablement
penser qu'elles fussent là pour protéger la liberté des Corses,
qu'ils étaient très en état de défendre seuls contre les Génois, je
ne pouvais me tranquilliser parfaitement, ni me mêler tout de bon
de la législation proposée, jusqu'à ce que j'eusse des preuves
solides que tout cela n'était pas un jeu pour me persifler.
J'aurais extrêmement désiré une entrevue avec M. Buttafuoco:
c'était le vrai moyen d'en tirer les éclaircissements dont j'avais
besoin. Il me la fit espérer, et je l'attendais avec la plus grande
impatience. Pour lui, je ne sais s'il en avait véritablement le
projet; mais quand il l'aurait eu, mes désastres m'auraient empêché
d'en profiter.
    Plus je méditais sur l'entreprise proposée, plus j'avançais dans
l'examen des pièces que j'avais entre les mains, et plus je sentais
la nécessité d'étudier de près, et le peuple à instituer, et le sol
qu'il habitait, et tous les rapports par lesquels il lui fallait
approprier cette institution. Je comprenais chaque jour davantage
qu'il m'était impossible d'acquérir de loin toutes les lumières
nécessaires pour me guider. Je l'écrivis à Buttafuoco: il le sentit
lui-même; et si je ne formai pas précisément la résolution de
passer en Corse, je m'occupai beaucoup des moyens de faire ce
voyage. J'en parlai à M. Dastier, qui, ayant autrefois servi dans
cette île sous M. de Maillebois, devait la connaître. Il n'épargna
rien pour me détourner de ce dessein; et j'avoue que la peinture
affreuse qu'il me fit des Corses et de leur pays refroidit beaucoup
le désir que j'avais d'aller vivre au milieu d'eux.
    Mais quand les persécutions de Motiers me firent songer de
quitter la Suisse, ce désir se ranima par l'espoir de trouver enfin
chez ces insulaires ce repos qu'on ne voulait me laisser nulle
part. Une chose seulement m'effarouchait sur ce voyage: c'était
l'inaptitude et l'aversion que j'eus toujours pour la vie active à
laquelle j'allais
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