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L'Empire des Plantagenet

L'Empire des Plantagenet

Titel: L'Empire des Plantagenet
Autoren: Martin Aurell
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Maréchal. Le service féodal de quarante jours annuels semble bien respecté par la noblesse d’Angleterre et de Normandie, alors qu’il est beaucoup plus difficile à obtenir dans les autres principautés. Très souvent, les nobles lui préfèrent le versement de l’écuage, une lourde taxe qui les exempte de ce devoir. Cette redevance présente un intérêt considérable pour le roi, qui l’emploie de plus en plus pour recruter des mercenaires payés à la solde. Ces routiers, issus de populations frontalières ou montagnardes, Brabançons, Basques ou Celtes, sont précisément détestés en raison même de leurs origines. Ils n’en occupent pas moins une place clef dans l’armée royale, à l’image de Mercadier, fidèle lieutenant de Richard Cœur de Lion. Ils sont d’autant plus utiles aux Plantagenêt qu’ils matent sans état d’âme ni accointances familiales la révolte aristocratique, mal endémique des territoires Plantagenêt.
    La noblesse n’en éprouve qu’un mépris plus grand à leur endroit. Alors que les mentalités communes la reconnaissent comme une catégorie juridique à part entière, dont les privilèges se transmettent par naissance et dont les membres sont recensés par l’administration étatique, l’aristocratie voudrait conserver l’exclusivité de l’exercice des armes. Au-delà du prestige et de la supériorité sociale qu’elle retire de la fonction de chevalier, elle profite de la faveur royale pour s’enrichir. Auprès du monarque, elle peut obtenir certes de nouveaux fiefs, mais aussi des pensions, cadeaux et autres avantages. Elle est de la sorte à même de se constituer ses propres clientèles guerrières, redistribuant ses biens et surtout les grâces qu’elle peut arracher aux rois en faveur de ses parents et amis. Concussion et corruption sont inhérentes au jeune État  que la maison d’Anjou constitue en Angleterre et en Normandie, et, à un degré moindre, aux autres principautés de son Empire.
    Les clercs, nombreux à la cour des Plantagenêt, n’auront de cesse que de dénoncer ces travers. Leurs écrits sont, en effet, circonspects à l’égard d’un système politique à l’affermissement duquel ils travaillent de façon paradoxale. Leurs études, suivies presque toujours à Paris ou dans les écoles cathédrales du nord de la France, leur ont ouvert alors les portes du palais royal. En cela, la maison d’Anjou fait preuve d’une modernité remarquable : sa cour, qui compte deux fois plus de titulaires d’une licence que la capétienne, jouit d’un avantage considérable. Auprès du roi d’Angleterre, ces maîtres cléricaux, bons latinistes, formés au droit romain, côtoient des « chevaliers lettrés » qui encouragent et pratiquent eux-mêmes la littérature romane. En effet, la maîtrise de l’anglo-normand, comme l’acquisition d’une certaine culture classique, figure en bonne place parmi les codes de distinction de l’aristocratie insulaire. Cet élitisme transparaît dans le prologue du Roman de Thèbes qui marginalise, sous les traits caricaturaux de l’âne à la harpe, tout auditeur qui ne soit clerc ou chevalier.
    La collusion entre chevalerie et clergie ne va pourtant pas de soi. Les prêtres adoptent parfois un ton hostile envers les serviteurs laïcs de la cour, où de façon contradictoire ils ont choisi de leur propre gré de servir la royauté. La mesnie Hellequin, pour reprendre l’une de leurs métaphores préférées, et les âmes damnées qui y évoluent attirent leurs foudres. En dénonçant l’arrivisme, l’âpreté au gain et la course aux honneurs de ses membres, ils croient assurément exécuter la tâche pastorale de réforme des mœurs qu’exige leur statut clérical. Mais ils manifestent encore un malaise plus profond, que l’affaire Becket fait éclater au grand jour. Parmi les intellectuels partisans de l’archevêque de Cantorbéry, de nombreux courtisans ayant assumé de lourdes responsabilités gouvernementales auprès d’Henri II figurent en bonne place. La plupart d’entre eux choisiront de rompre avec le roi et de s’exiler. C’est dire toute l’acuité du conflit qui oppose le « règne » au « sacerdoce ». La signification de la crise déclenchée par les constitutions de Clarendon est, en effet, profonde. Dépassant le simple attachement clérical à des privilèges judiciaires, elle traduit une ferme opposition au système de patronage de la royauté sur l’Église.
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