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Le Sang d’Aphrodite

Le Sang d’Aphrodite

Titel: Le Sang d’Aphrodite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Elena Arseneva
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mansarde. Elles se ressemblaient toutes avec leur auvent à deux pentes et leurs volets clos qui ne laissaient filtrer aucun rai de lumière. Philippos se dit tristement qu’il arrivait trop tard : Nadia devait dormir depuis longtemps. Pourtant, il n’avait pas le cœur à repartir sur-le-champ. La lune était au plus haut, éclairant le domaine comme en plein jour. Poussé par la curiosité, il alla inspecter la cour carrée située derrière la maison d’habitation. Il découvrit une douzaine de bâtiments trapus aux portes cadenassées. Ces entrepôts témoignaient de l’importance de la fortune de Grom. Outre les réserves, le vaste espace ménagé à l’arrière de la maison comprenait l’étable, le poulailler, une petite forge et un four de boulanger.
    Ayant fait le tour de la propriété, Philippos décida de jeter un coup d’œil à l’intérieur de la salle des banquets. Il se faufila le long de la façade vers la fenêtre la plus proche. Une dizaine de candélabres éclairaient les convives installés de part et d’autre d’une longue table chargée de mets. La plupart des ripailleurs, la face enluminée par l’eau-de-vie au miel, avaient ôté leurs chapkas et déboutonné leurs caftans. Bien que rassasiés, ils continuaient d’engloutir les nouveaux plats apportés des cuisines. Tandis que les domestiques remplissaient leurs coupes, les hôtes buvaient sans retenue. Philippos savait que plusieurs heures s’écouleraient avant le moment fatidique où les convives se mettraient à rouler sous la table. Ils passeraient le reste de la nuit à cuver dans un coin ou dans un autre. Le matin, suivant les ordres reçus, les domestiques ramasseraient les fêtards pour les porter jusqu’à leurs équipages. Pour la route, tout le monde faisait confiance aux chevaux, habitués qu’ils étaient à retrouver seuls le chemin de la maison de leur maître.
    Philippos s’éloigna de la fenêtre. Soudain, il entendit un tintement de grelots annonçant l’arrivée d’une carriole. Il se cacha promptement dans l’ombre du perron. Un moujik muni d’un flambeau, barbe blanche et dos voûté, descendit les marches et se précipita vers le nouvel arrivant. Celui-ci avait franchi le portail et s’avançait à sa rencontre, les pans de son luxueux manteau de cérémonie battant ses bottes à large tige. Il prit la torche des mains du domestique qui s’inclinait jusqu’à terre et lui fit signe de se relever. Un large sourire apparut sur sa face rougeaude.
    — Mon bon vieux Michée ! Approche que je t’embrasse ! brailla-t-il en chancelant.
    Il lui donna l’accolade et l’entraîna vers le perron, s’appuyant de tout son poids sur les frêles épaules du vieillard. Comme il passait devant Philippos, celui-ci faillit éternuer à cause des effluves où les vapeurs de l’alcool se mêlaient à une odeur capiteuse et douceâtre. Le garçon fronça le nez, certain d’avoir reconnu un de ces élixirs exotiques que les marchands étrangers rapportaient du lointain Orient. Courtisans et citadins fortunés raffolaient de ces produits de luxe, dont certains étaient plus chers que les métaux précieux. Philippos songea à Artem qui détestait les parfums, affirmant qu’ils étaient dangereux et même nocifs pour l’équilibre des humeurs.
    Le bruit de la porte qui se refermait le tira de ses pensées. Il alla contempler le térem une dernière fois avant de partir. Miracle ! La fenêtre d’angle était maintenant ouverte et éclairée ! Mais était-ce celle de Nadia ? Il savait qu’on assignait les chambres en fonction de la place et des responsabilités de chaque femme au sein de la maisonnée.
    Plein d’espoir, il se rapprocha de la maison. La clarté lunaire ainsi que la lueur qui provenait de l’intérieur de la pièce lui permettaient de distinguer les motifs qui ornaient les volets et l’auvent à deux pentes. Les sujets populaires se mêlaient aux inventions d’un artiste inconnu : animaux fantastiques, oiseaux à tête de femme, guirlandes de fleurs semblables à des yeux humains auréolés de longs cils recourbés… Aucun doute : cette fenêtre, la plus richement décorée de toutes, ne pouvait être que celle de Nadia !
    Philippos ramassa un caillou et le lança contre le volet. Il perçut un bruit mat. L’instant d’après, Nadia, un chandelier d’argent à la main, apparut dans l’encadrement de la fenêtre.
    1 - « Tonnerre » en russe.

    2 - Ancienne cérémonie des

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