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Le marchand de mort

Le marchand de mort

Titel: Le marchand de mort
Autoren: C.L. Grace
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bassin à carpes gelé qui m’a mise sur la voie. Il vous a confondu, Maître Smithler.
    L’aubergiste ouvrit la bouche pour répliquer, mais aucun son ne sortit.
    — Je me suis posé des questions simples, poursuivit Kathryn. Qui connaissait le Grand Champ ?
    Elle étendit les mains.
    — Oh, je sais, les clients le connaissaient tous, mais vous, Smithler, en aviez une connaissance parfaite. Vous saviez où s’achevait la prairie, et où commençait l’étang. Ensuite, qui pouvait se procurer une jatte en métal et une lourde lanterne ? Qui plus facilement, en tout cas, que le tenancier de la taverne locale ? Enfin, qui aurait découvert les empreintes dans le Grand Champ, le lendemain matin ? Sans l’intervention de Raston, je suis sûre que c’eût été vous, Smithler. Dernier point : qui a organisé le dragage de la retenue d’eau pour retrouver le corps de Vavasour ? Et ce faisant, qui a fait en sorte que les empreintes dans le Grand Champ ne soient plus identifiables ? Bien sûr, la réponse est encore vous, Smithler.
    Kathryn se mordilla le coin de la lèvre.
    — J’étais perplexe, Maître aubergiste. Vous n’êtes guère porté sur la compassion, et pourtant vous avez remué ciel et terre pour draguer cet étang et retrouver le corps de cet homme que tous ici méprisaient.
    — C’est la vérité ! cria le vieux Raston d’une voix éraillée. C’est Smithler qui nous a mis en branle. Il était prêt dès les premières lueurs de l’aube. Je reconnais que j’en ai été étonné.
    Il porta sur son maître un regard dégoûté.
    — C’est la première fois que je vous vois vous soucier de quelqu’un !
    — Pour nous résumer, reprit Kathryn, voilà comment vous avez procédé, Maître tavernier : un peu avant que Vavasour ne quitte votre auberge, vous êtes descendu à la retenue d’eau avec un plat en métal poli et une lanterne. Àl’aide d’une perche, vous avez promené la lanterne comme un fanal sur la surface glacée, et c’était bien sûr un piège pour attirer le malheureux Vavasour. Voilà pourquoi il ne se trouvait pas d’empreintes autour de l’étang : grâce à la perche, vous avez pu déplacer le falot sur la glace, puis contourner la retenue d’eau en remettant vos pieds dans vos traces pour rentrer à l’auberge. La nuit était sombre et glacée. Personne n’a remarqué que vous étiez sorti. Raston était occupé à chasser ailleurs, et les clients se tenaient dans leurs chambres.
    — Mais comment Vavasour a-t-il su quand sortir ? demanda Lord Alan. Et comment la lanterne est-elle restée allumée ?
    — L’heure avait été convenue à l’avance, répondit  Kathryn  en indiquant la flamme vacillante de la chandelle des heures, près du foyer. Quant au falot, les Smithler, comme tous les bons paroissiens, possèdent des lanternes capables de brûler toute la nuit. Personne n’aurait dû la voir, pas même Raston. Vous vous rappelez, il a dit qu’on n’attrape pas de lapin dans un champ de neige. Il a rencontré ce pauvre Vavasour tout à fait par hasard.
    Sir Gervase prit la parole.
    — J’étais pourtant dans la salle d’auberge au moment où Vavasour est sorti. Smithler s’y trouvait aussi. Vavasour aurait dû s’en étonner, non ?
    Le vieux chevalier frappa sur la table.
    — Et les pièces de monnaie que l’on a découvertes dans la chambre de Vavasour ? Vous avez une explication à cela ?
    — Parfaitement, répondit Kathryn. Mais je répondrai à une question à la fois. Voyez-vous, lorsque Vavasour a quitté l’auberge pour descendre à la retenue d’eau, il n’avait pas rendez-vous avec Maître Smithler, mais avec sa femme, Blanche.
    Tous les regards convergèrent sur l’épouse de l’aubergiste. Celle-ci était assise, et ses lèvres remuaient sans arrêt, sans qu’aucun son ne sorte de sa bouche. Elle semblait sous le choc des révélations de Kathryn.
    — Maîtresse Smithler ?
    Kathryn éleva la voix :
    — Lady Margaret, pouvez-vous lui servir un peu de vin ?
    La noble dame se leva pour s’approcher de Blanche Smithler, qu’elle secoua doucement par l’épaule. Blanche cligna des yeux, saisit le gobelet de vin, et but en faisant très attention, comme une somnambule.
    — Je ne savais pas, marmonna-t-elle. Je pensais que personne ne découvrirait jamais rien.
    — Tais-toi ! rugit son mari, recouvrant son aplomb.
    Il jeta un regard plein de haine à Kathryn.
    — Vous n’avez aucune preuve de
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