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Le Glaive Et Les Amours

Le Glaive Et Les Amours

Titel: Le Glaive Et Les Amours
Autoren: Robert Merle
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et sur l’entrant que donna
Madame de Guéméné, la porte fut déclose et le maggiordomo apparut, mais
demeurant sur le seuil, il ploya le genou et dit :
    — Madame la Marquise, le comte de Sault requiert
l’honneur d’être reçu de vous.
    En même temps il me jeta un regard furtif, comme s’il se
demandait si j’étais rebuté par cette intrusion.
    — Faites-le entrer, maggiordomo , dit Madame de
Guéméné, et se tournant vers moi elle me dit avec un sourire : Il est fort
de vos amis à ce que je crois.
    — Intime et immutable. Je l’ai connu lors de la
campagne d’Italie. Nous avons ensemble assisté à la prise de Suse, et Suse
prise, nous logeâmes tous deux dans le logis de deux orphelines belles comme
des anges.
    — Et le comte de Sault et vous-même, touchés de les
voir sans père ni mère, firent, je suppose, de leur mieux pour les consoler.
    — Hélas ! C’est la thèse que soutient et soutiendra
Catherine jusqu’à la fin de ses terrestres jours. Et pourtant, elle se trompe,
le comte de Sault fut l’unique consolateur des deux orphelines.
    — Je vous plains. Être accusé à tort vous tourmente de
deux façons : de prime, l’injustice vous pique. Ensuite, vous vient le
regret de n’avoir pas commis, tant qu’à faire, le péché dont on vous accuse.
    — M’amie, vous êtes un génie d’avoir senti cela.
    — Nenni, génie ne suis. Femme me veux.
    — Et la plus aimable des femmes.
    — Duc, ramentez-vous de grâce que nous avions convenu
de ne pas franchir en nos entretiens «  le seuil lumineux de l’amitié [9]  ».
    — Madame, je vous obéis, tout en renonçant à regret à
de plus charmants crépuscules.
    Là-dessus le comte de Sault apparut, fléchit le genou et
baisa la main de Madame de Guéméné avec beaucoup de grâce. Se relevant, il me
sourit, me donna une forte brassée tout en me tapotant les omoplates,
témoignage amical, mais à la longue douloureux.
    J’espère que ma belle lectrice, ayant lu le tome XII de
ces Mémoires, se rappelle, le cœur trémulant, le comte de Sault, et la
description que j’ai faite alors de lui. Pour ne me point répéter, je me
contenterai de dire céans que le comte de Sault était tenu à la Cour comme le
parangon de la beauté virile. Il avait, en effet, tant à se glorifier dans la
chair, et il était si assiégé par le gentil sesso qu’il eût pu tomber
dans les pièges de la vanité. Mais point du tout. On ne voyait en ses allures
pas la moindre trace de piaffe et de morgue. L’ayant accompagné comme on sait
en notre campagne dans le Gravere par neige et froid, je peux témoigner
aussi qu’il était avec ses soldats, quoique ferme, jamais injurieux ni
tabustant, mais au rebours prenait le plus grand soin d’eux et, quand il le
pouvait, de leur nourriture.
    Madame de Guéméné pria le comte de s’asseoir sur une chaire,
ce qu’il fit d’un air si sombre qu’elle ne faillit pas à lui en faire la
remarque.
    — Cher comte, dit-elle, quelle triste mine vous tirez
là ! Quelle mine défaite ! Que se passe-t-il ? Vous voilà tout
rêveux, songeard et tracasseux ! Êtes-vous mal allant ? Êtes-vous par
votre belle désaimé ? Avez-vous perdu vos biens et pécunes ?
    — Madame, ce n’est pas moi qui vais mal. C’est le
royaume.
    — Eh bien, contez-moi ces malheurs, si ce ne sont pas
des secrets d’État.
    — Ils le sont ce jour. Ils ne le seront plus demain.
Oyez, Madame, ce triste récit. La guerre déclarée à l’Espagne, nous avons, il
vous en ramentoit, franchi sa frontière des Pays-Bas et vaincu son armée à
Avins, mais cette victoire ne servit de rien, car nous échouâmes devant
Louvain, et après cet échec, le pire arriva. Le venin de la désertion se mit à
ronger notre armée. De vingt mille hommes elle tomba à six mille. Et comme si
la guerre avec l’Espagne ne suffisait pas, Condé attaqua Dole dans le Jura et
sans tant languir l’empereur nous déclara la guerre. Vous vous rappelez sans
doute que nous avions fortifié la Lorraine et l’Alsace pour nous prévenir
contre une invasion des Impériaux, mais bien sûr ils ne nous attaquèrent pas
par l’Est. Ils remontèrent au Nord jusqu’à Aix-la-Chapelle et là, franchissant
la frontière amie, ils gagnèrent Bruxelles sans encombre et firent leur
jonction avec les forces espagnoles, formant d’ores en avant avec elles une
armée forte de vingt-sept mille hommes et de quarante canons. Nous n’avons rien
en France qui
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