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Le chant du départ

Le chant du départ

Titel: Le chant du départ
Autoren: Max Gallo
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entraîne Lucien. Ce n’est point le moment de parler de cela, ce sont mes affaires.
    Lucien n’insiste pas. Napoléon écoute ce garçon de vingt-quatre ans dont la passion est la politique et qui a réussi, en s’aidant de son nom, à peser dans le Conseil des Cinq-Cents, à devenir l’interlocuteur de Sieyès.
    Lucien parle nerveusement. Sieyès, dit-il, veut un gouvernement plus resserré, composé de trois consuls au lieu de cinq Directeurs. Il compte organiser le transfert des assemblées de Paris à Saint-Cloud et leur faire voter la réforme des institutions.
    — Puis-je l’assurer que vous consentez à être l’un des trois consuls ? demande Lucien.
    — Non, parbleu, gardez-vous-en bien.
    Il est trop tôt encore. Nous verrons plus tard. Sieyès est trop marqué comme modéré, réactionnaire même, partisan d’un retour à la monarchie, peut-être est-il lié aux Orléans.
    — Je ne veux prendre la couleur d’aucun parti, répète Napoléon.
     
    C’est une guerre couverte qu’il mène. Excitante comme une offensive, tout en coups masqués. Il faut l’appui de Sieyès, mais sans le solliciter et sans le proclamer. Il faut se débarrasser des Directeurs mais, si on le peut, éviter le coup d’État. Il faut prendre la place de l’intérieur, avec l’appui des assemblées, les Cinq-Cents et les Anciens.
    Je ne veux pas être un général qui s’empare du pouvoir par la force .
    Il ignore donc Sieyès à un dîner chez Gohier, et celui-ci lui rapporte, le lendemain, l’exclamation pleine d’amertume de Sieyès : « Avez-vous remarqué la conduite de ce petit insolent envers le membre d’une autorité qui aurait dû le faire fusiller ? »
    Trop tard.
    Il flatte le général Moreau : « Je désirais depuis si longtemps vous connaître. »
    Il se rend une nouvelle fois, le 23 octobre, au palais du Luxembourg, et, sans insister, il fait comprendre aux deux Directeurs qu’il est candidat au Directoire. Gohier, Moulin, avec des mines attristées et satisfaites, répondent que « le pacte social exige impérieusement quarante ans pour entrer au Directoire ».
    Tant pis pour eux.
    La foule continue de l’applaudir. Les journaux, qu’il lit chaque matin avec attention, affirment que « les exclusifs ne parviendront point à indisposer le peuple contre Bonaparte ».
    Ce 23 octobre, Lucien est élu président du Conseil des Cinq-Cents. Voilà une position conquise.
    Mais toute médaille a son revers.
    On honore le nom de Bonaparte en la personne de Lucien, et on espère ainsi reléguer Napoléon à un rôle militaire.
    S’ils imaginent que c’est encore possible, gare au réveil !
    Mais rien n’est sûr tant qu’on n’a pas vaincu.
    Bernadotte ne vient-il pas de refuser de participer à un banquet aux côtés de Napoléon ? « Un homme qui a violé la quarantaine, a-t-il dit, peut très bien avoir rapporté la peste et je ne me soucie point de dîner avec un pestiféré. »
    Cela fait dix jours seulement que Napoléon est rentré à Paris.

37.
    Napoléon n’a que quelques minutes à accorder à chacun de ses visiteurs. Il prend leur bras, les entraîne au fond du salon. Le jardin qu’on aperçoit par les portes-fenêtres de la rotonde est envahi par la brume. Les flammes vives éclairent et chauffent la pièce.
    Joséphine se tient devant la cheminée, sourit en faisant patienter, en bavardant avec le futur interlocuteur. Napoléon lui jette un coup d’oeil.
    Il faut être aimable avec tous, les flatter, les inviter à revenir.
    Joséphine sait à merveille accueillir ces officiers de tous grades, ces membres de l’Institut, ces députés et ces banquiers qui viennent rue de la Victoire parce qu’on murmure, dans le Paris des Importants, celui qui grouille de rumeurs et d’ambitions, que le général Bonaparte sera bientôt au gouvernement, qu’il prépare un coup d’État.
    Les faubourgs sont calmes, écrasés par la misère, la recherche d’un emploi, lassés depuis dix ans d’une succession d’espérances et de déceptions, de violences et de répression. Ils n’aspirent plus qu’à obtenir de quoi acheter du pain. Ils rêvent à la paix, pour que les jeunes hommes ne soient plus requis d’aller se battre sur les frontières afin d’engraisser les Barras, les fournisseurs aux armées.
    Alors, pourquoi pas ce général Bonaparte, victorieux et qui jadis signa la paix ?
    Mais ce n’est plus l’affaire des faubourgs et de la rue. C’est dans les salons et les casernes, dans
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