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Le cercle de Dante

Le cercle de Dante

Titel: Le cercle de Dante
Autoren: Matthew Pearl
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considération les répercussions que pourrait engendrer pareille publication.
    — Je vous remercie de la foi que vous placez en nous, docteur Manning. »
    Fields prit une inspiration, le nez penché vers sa large barbe taillée en forme de pelle, cherchant le meilleur moyen de ne pas faillir à sa réputation de fin diplomate.
    « Voyez-vous, j’ai d’ores et déjà considéré ces répercussions sous tous les angles et j’attends qu’elles se manifestent avec un certain intérêt. Si vous souhaitez ne pas donner suite aux travaux en souffrance, je me ferai un plaisir de vous renvoyer les planches en notre possession. Sur-le-champ et sans frais. Vous savez, je l’espère, combien vous m’offenseriez en exprimant une critique susceptible de déprécier mes auteurs auprès du public. Ah, monsieur Osgood ? »
    Le clerc principal des éditions Ticknor et Fields venait d’entrer en coup de vent dans la pièce. Fields lui demanda de faire visiter ses nouveaux locaux au Dr Manning.
    « Inutile. »
    Le mot filtra à travers la barbe patricienne et rigide comme le siècle du représentant de Harvard en même temps qu’il se levait.
    « Je suppose que vous comptez connaître une longue félicité en ces lieux, monsieur Fields. » Il prit le temps de promener un regard glacial sur les lambris en noyer d’un noir étincelant. « Rappelez-vous que viendront des temps où même un éditeur de votre envergure ne pourra plus protéger ses auteurs de leurs ambitions. »
    Il s’inclina avec une politesse marquée et disparut dans l’escalier. Fields alla refermer la porte.
    « Osgood, dit-il, je veux que vous placiez un billet dans le New York Tribune au sujet de la traduction.
    — M. Longfellow l’aurait-il achevée ? » s’enquit le premier clerc avec joie.
    Fields imprima une moue à ses lèvres pleines et dominatrices.
    « Savez-vous, monsieur Osgood, que Napoléon tira un jour sur un marchand de livres ambulant trop insistant ? »
    Osgood réfléchit un instant.
    « Non, je ne crois pas l’avoir jamais entendu dire, monsieur Fields.
    — L’heureux avantage à vivre en démocratie, c’est que la liberté nous est donnée de faire en toute impunité autant de battage que nous le souhaitons autour de nos livres. Je veux qu’à l’heure où nous aborderons l’étape de fabrication, aucune famille respectable ne se couche le soir dans l’ignorance de notre projet. »
    Quiconque se trouvant à portée de voix eût été convaincu que l’éditeur mettrait tout en œuvre pour que cela ne se produisît pas.
    « À l’intention de M. Greeley, New York, pour parution immédiate à la page du Boston littéraire  », commença-t-il à dicter.
    Il resta un moment à pincer l’air de ses doigts, tel un musicien se remémorant une partition. Osgood était sa main de substitution pour tous ses travaux d’écriture, y compris les corrections qu’il apportait aux poèmes, car tenir une plume lui causait d’affreuses crampes au poignet. La phrase se présenta à son esprit presque sous sa forme définitive.
    « À QUOI TRAVAILLENT LES HOMMES DE LETTRES DE BOSTON. Le bruit court qu’une nouvelle traduction, sous presse chez Ticknor et Fields, fera grand bruit dans les chaumières. L’auteur en serait un monsieur de notre ville dont la veine poétique lui mérite depuis de nombreuses années l’adoration des lecteurs sur les deux rives de l’Atlantique. Il se serait, semble-t-il, assuré le concours des esprits les plus avisés de Boston… Attendez, Osgood. Corrigez par de “Nouvelle-Angleterre”. Nous ne voudrions pas voir le vieux Greene prendre un air offensé, n’est-ce pas ?
    — Certainement pas, monsieur, parvint à répondre Osgood entre deux transcriptions.
    –… des esprits les plus avisés de Nouvelle-Angleterre, disais-je, afin de mener à bien la révision et l’achèvement de cette toute dernière œuvre d’un grand raffinement. Le sujet en est pour l’heure tenu secret. La seule information à avoir filtré est qu’il s’agit d’un poème jamais lu à ce jour dans notre pays, mais voué à transformer fondamentalement notre paysage littéraire… Et cætera. Que Greeley indique bien “de source anonyme”. Vous avez réussi à tout noter ? »
    Osgood hocha la tête.
    « Je l’expédierai par le premier courrier du matin.
    — Envoyez-le par câble.
    — Pour parution la semaine prochaine ? demanda Osgood, croyant avoir mal entendu.
    — Mais oui ! »
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