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La chance du diable

La chance du diable

Titel: La chance du diable
Autoren: Ian Kershaw
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compte. Sans quoi l’Eglise pourrait s’occuper de politique. Ce que vous dites est donc pour le moins très déformé   ; ça n’a pas de sens.
    Y ORCK   : Dans mon esprit, ce n’était qu’une explication.
    F REISLER   : De plus, pour ce qui est de la conception nazie de la justice, je puis dire, pour avoir été au cœur de la jurisprudence depuis de longues années, que notre conception du droit a aussi été marquée par un approfondissement considérable sur un plan tant théorique que pratique. La justice de notre peuple a connu une renaissance et une intensification considérables [...]. Ce que vous avez dit demeure une énigme. Mais vous dites   : je n’étais pas d’accord. Maintenant je vous pose la question   : si Stauffenberg vous demandait votre parole d’honneur, et que vous entendiez une chose pareille, quel genre de pensées vous passait par la tête   ? Une telle parole d’honneur peut-elle avoir la moindre valeur   ?
    Y ORCK   : Je me sens liée par elle, monsieur le président.
    F REISLER   : C’est bien le signe que votre attitude est absolument anarchiste.
    Y ORCK   : Je ne dirais pas les choses exactement de cette façon.
    F REISLER   : Mais je crois que c’est une manière claire et juste de la décrire. Car c’est de l’anarchie, si tout lemonde peut créer une justice de liberté d’action dans la communauté, rien qu’en disant ça. La loi générale de l’action dans notre communauté demande de combattre et de détruire toute trahison du peuple, du Führer et du Reich, en toutes circonstances. Si vous faites vous-même la loi, si vous dites, « quand je donne ma parole d’honneur, alors je ne peux pas participer   », c’est un principe anarchiste que vous professez. Vous pouvez bien lui donner le nom que vous voulez [...].
     
    Procès du comte Schwerin von Schwanenfeld, août 1944
    F REISLER   : Vous avez dû avoir une expérience particulière dans la campagne de Pologne. N’avez-vous pas été particulièrement actif en Prusse occidentale   ?
    S CHWERIN   : Eneffet.
    F REISLER   : Autrement dit, vous avez eu le privilège de libérer votre patrie, en tant que soldat de notre Führer.
    S CHWERIN   : Monsieur le président, les expériences politiques que j’ai personnellement connues m’ont valu diverses difficultés. J’ai très longtemps travaillé pour le germanisme ( Deutschtum ) en Pologne et tout au long de cette période mon attitude envers les Polonais a oscillé. C’est un...
    F REISLER   : En tout état de cause, pouvez-vous blâmer le nazisme de cette oscillation   ?
    S CHWERIN   : Je pensais aux nombreux meurtres...
    F REISLER   : Des meurtres   ?
    SCHWERIN : Aupays et à l’étranger...
    F REISLER   : Vous êtes vraiment une vile canaille. Vous ne sombrez pas sous cette pourriture   ? Oui ou non, vous ne sombrez pas là-dessous   ?
    S CHWERIN   : Monsieur le président   !
    F REISLER   : Oui ou non, une réponse claire   !
    S CHWERIN   : Non.
    F REISLER   : Vous ne pouvez pas tomber plus bas. Car vous n’êtes plus qu’un petit tas de misère qui n’a plus le moindre respect pour lui-même.
     
     

11   Les exécutions racontées par un gardien de prison
     
    La soif de vengeance de Hitler envers ceux qui avaient comploté contre lui trouve un écho dans cette description macabre des exécutions, même s’il n’est pas certain que Hitler ait vu le film tourné à cette occasion.
     
    Imaginez une pièce au plafond bas et aux murs blanchis à la chaux. Sous le plafond, était fixé un rail auquel pendaient six gros crochets, comme ceux qu’utilisent les bouchers pour leurs quartiers de viande. Dans un coin était placée une caméra. La lumière des projecteurs était éblouissante, aveuglante, comme dans un studio. Dans cette étrange petite pièce se trouvaient le procureur général du Reich, le bourreau et ses deux acolytes, deux techniciens chargés de la caméra, et moi- même avec un second gardien de prison. Au mur, une petite table, avec une bouteille de cognac et des verres pour les témoins de l’exécution.
    On a fait entrer les condamnés. Ils portaient leur tenue de prisonnier, les menottes aux mains. On les a disposés sur un seul rang. Le regard mauvais, blaguant, le bourreau s’est mis au travail. Il était connu dans son milieu pour son « humour   ». Pas de déclaration, pas de religieux, pas de journalistes.
    L’un après l’autre, tous les dix y sont passés, chacun à son tour. Tous
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