Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Il suffit d'un amour

Il suffit d'un amour

Titel: Il suffit d'un amour
Autoren: Juliette Benzoni
Vom Netzwerk:
avait soulevé les masses populaires contre le pouvoir illusoire du malheureux Charles VI, le roi fou, et la puissance aussi réelle que désastreuse d'Isabeau la Bavaroise.
    C'était grande pitié, en effet, au royaume de France, en ces jours troublés. Le roi dément, la reine inconsciente et débauchée et, depuis le meurtre, six ans plus tôt, du Duc d'Orléans par Jean-Sans-Peur, duc de Bourgogne, le pays livré à l'anarchie. Insoucieux du péril anglais toujours prêt à revenir, les partisans de l'un et de l'autre prince, Armagnacs et Bourguignons,
    mitant une rue étroite où défilait, entre le Palais et le Grand Châtelet, toute la ville. Le père de Catherine, Gaucher Legoix, y était orfèvre à l'enseigne de « l'Arche d'Alliance » comme d'ailleurs celui de Landry, Denis Pigasse, et leurs boutiques étaient voisines. Elles faisaient face aux échoppes des changeurs, lombards ou normands, qui occupaient l'autre côté du pont.
    Jusqu'à ce jour, Catherine n'avait guère poussé ses expéditions avec Landry au-delà du parvis de Notre- Dame, des sinistres ruelles de la Grande Boucherie ou des pont-levis du Louvre. Les quinze ans du garçon, par contre, lui avaient permis des études beaucoup plus poussées sur les lieux bizarres de Paris et il connaissait chaque recoin de la capitale comme sa propre poche. C'était lui, qui avait eu l'idée d'amener sa petite amie devant l'hôtel Saint-Pol, ce vendredi matin, 27
    avril 1413.
    — Viens donc, lui avait-il dit. Caboche a juré qu'aujourd'hui il entrerait dans la maison du Roi pour en arracher les mauvais conseillers de Monseigneur le Dauphin. Il suffira d'entrer derrière lui et tu pourras voir, à ton aise, toutes les belles choses qu'il y a là-bas.
    Caboche !... Autrement dit Simon le Coutelier, l'écorcheur de la Grande Boucherie, le fils de la tripière du marché Notre-Dame, l'homme qui avait soulevé les masses populaires contre le pouvoir illusoire du malheureux Charles VI, le roi fou, et la puissance aussi réelle que désastreuse d'Isabeau la Bavaroise.
    C'était grande pitié, en effet, au royaume de France, en ces jours troublés. Le roi dément, la reine inconsciente et débauchée et, depuis le meurtre, six ans plus tôt, du Duc d'Orléans par Jean-Sans-Peur, duc de Bourgogne, le pays livré à l'anarchie. Insoucieux du péril anglais toujours prêt à revenir, les partisans de l'un et de l'autre prince, Armagnacs et Bourguignons, se livraient à travers la France qu'ils ravageaient à l'envi une lutte sans pitié ni merci. À cette heure, les Armagnacs cernent Paris, tout dévoué au malin autant que démagogue Jean de Bourgogne. Par la riche corporation de bouchers dont il a fait ses fidèles, il orchestre les troubles. En nom, le pouvoir appartient au Dauphin, Louis de Guyenne, un garçon de seize ans nettement dépassé par les événements. En fait, le roi de Paris, c'est Caboche l'écorcheur, avec la bénédiction de l'Université que mène son turbulent recteur Pierre Cauchon.
    Ils sont là tous les deux, Caboche et Cauchon, à la tête de la meute qui assiège l'hôtel royal. Debout devant les gardes de la porte, désarmés et ficelés, que maintiennent des garçons bouchers aux tabliers de cuir tachés de sang caillé, Caboche hurle des ordres, rythmant le balancement forcené du bélier. Tirée par la main sans douceur de Landry, rasant les murs des maisons pour trouver un observatoire à l'abri des flèches, Catherine pouvait voir, par-dessus le moutonnement des têtes, l'imposante carrure du meneur, ses épaules de lutteur sous la casaque verte, barrée d'une croix de Saint-André blanche, aux couleurs de Bourgogne, le visage écarlate, convulsé par la fureur et ruisselant de sueur. A la main, il tenait une bannière blanche, emblème de Paris, qu'il agitait furieusement.
    — Plus fort ! hurlait-il, tapez plus fort ! Enfoncez- moi ce nid de charognards ! Par la mordieu ! Plus fort ! Ça craque déjà !...
    En effet, la porte venait de rendre un son fêlé qui annonçait sa prochaine rupture. Les vingt hommes, tendus par l'effort, reprirent du champ, reculant profondément dans la foule pour se lancer de plus loin. Landry eut juste le temps de jeter Catherine derrière l'arc-boutant d'une chapelle pour qu'elle ne fût pas écrasée par le reflux contre la muraille. Elle se laissait faire sans résistance, hypnotisée par l'écorcheur dont les hurlements avaient atteint une telle violence qu'on ne comprenait plus ce qu'il disait.
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher