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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames
Autoren: Chantal Touzet
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tué à vouloir conquérir la
couronne d’Italie. Elle-même sentait couler dans ses veines l’ardeur de ce sang.
    — Tu dois vivre pour tes enfants !
    — Je les laisse en de bonnes mains, Bernard d’Armagnac
s’est fait le champion de la cause orléaniste, tant qu’on l’appelle aujourd’hui
la « coalition d’Armagnac ».
    — Certes, c’est bien une coalition, confirma
Isabelle en revenant s’asseoir à son chevet. Berry et Anjou en sont, avec d’autres
grands feudataires. Mais on sait que Bourgogne s’est allié avec l’Angleterre.
    — L’Angleterre ne cherche qu’à faire profit
de la division du royaume de France. Demain, elle se ralliera à la coalition
Armagnac.
    — Je vois bien là que tu es une tête
politique. Nous avons besoin de toi dans cette guerre fratricide qui s’annonce.
    — Ne cherche point à me flatter. Pas besoin
de tête pour savoir que la trahison est partout. Comment as-tu trouvé notre
fille Isabelette ? dit-elle, changeant brusquement de sujet.
    — Amoureuse, sourit la reine.
    Il se fit un long silence que la reine rompit.
    — Je sais comment tu as conduit ma fille
aînée à épouser ton fils. Ce que tu lui as fait craindre, ne le crains-tu pas
pour toi ?
    — La claie, les crachats, l’inhumation en
terre non consacrée ? Elle y a cru alors que je n’y croyais pas moi-même. Nous
autres, gens de haut rang, nous sommes d’un autre sang, nous savons comment
nous arranger avec l’Église, si sévère pour le commun et qui l’écrase de
terreur pour le soumettre.
    — Tu prétends que ma fille s’est soumise
comme une personne du commun ?
    — Certes non ! Mais comme une très jeune
personne encore crédule, et qui ne voulait pas mourir.
    — Elle en serait morte.
    — À n’en pas douter, elle est aussi entêtée
que toi ! Ne l’ai-je pas sauvée, et n’est-elle pas heureuse ? Tu
pourrais m’en savoir gré, belle sœur !
    Elles allaient se quereller, mais la reine éclata
de rire.
    — Tu vivras. Il n’y a rien que le temps ne
console, et je ne saurais me passer de ma meilleure ennemie.
    — Tu en auras d’autres, je ne serai pas la
pire, crois-moi.
    — Ne te laisse pas mourir. Dieu ne te
laissera pas faire.
    — Dieu me rappelle, au contraire, et mon
amour aussi. Il semble que mon époux soit aussi pressé que moi.
    Elle insistait, se confortant autant qu’il était
possible.
    — Tu l’aimais donc tant ?
    — À en mourir !
    Deux chambrières entrèrent, apportant des boissons
et des délicatesses sucrées. Il y avait du moretum, le vin préféré d’Isabelle. Elle
en fut étonnée, car elle ne savait pas ce qu’aimait Valentine, et en eut un
sentiment d’indignité. Isabelle attendit que les chambrières fussent sorties
avant de murmurer :
    — J’ai aimé qu’une seule fois à en mourir, et
pourtant je vis !
    — Parce que c’est lui qui en meurt.
    « Parce que c’est lui qui en meurt, se répéta
Isabelle. Où était Bois-Bourdon ? Lui reviendrait-il ? » Elle
saurait alors bien comment l’empêcher de mourir.
    — Je suis devenue vieille, reprit la duchesse.
Je suis lasse et épuisée. « Plus rien ne m’est, rien ne m’est plus »,
telle est aujourd’hui ma devise, lui rappela Valentine. Vois, je l’ai fait
broder sur les courtines de mon lit.
    La reine prit une timbale d’argent en soupirant, elle
aussi se sentait vieille, exténuée, elle aurait bientôt trente-six ans. Valentine
en avait quarante. Dieu que le temps avait passé vite, et pourtant la route
avait été longue. Elle avait mis au monde douze enfants, elle savait qu’elle n’en
aurait plus d’autres, sa jeunesse était passée, sans rémission. Elle pensa au
roi dans la souffrance, à sa déchéance de corps et d’esprit. « Au diable
ce Flamel et son insaisissable élixir ! » se dit-elle avec rage en s’apprêtant
à boire. Valentine arrêta son geste avec une surprenante promptitude, et lui
reprit le hanap des mains.
    — C’est le mien, se justifia-t-elle, un
breuvage de mon invention.
    Isabelle prit sa timbale de moretum, but une
gorgée et se rendit compte qu’elles ne parlaient que de la mort. « Parlons
de la vie », se dit-elle.
    — Tu vas bientôt connaître ton petit-fils, Isabelette
est si heureuse d’attendre un enfant.
    — À moins que ce ne soit une petite-fille. Depuis
la naissance de ma délicieuse Marguerite, j’ai une faiblesse pour le sexe.
    Valentine Visconti considéra son hanap un
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