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Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie

Titel: Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie
Autoren: Arnauld d'Abbadie
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Maugrebins s'ouvrit devant lui.
    —Chiens, leur dit-il, où croyez-vous être, pour oser traiter ainsi ces Français?
    —Qui donc interpelles-tu ainsi, fils de maudit?—répliqua le chef des pèlerins: et cette réplique hardie fut soutenue par un murmure de ses compagnons. Le gouverneur répondit par un vigoureux soufflet, et ramenant la main sur son sabre, il se tourna vers cinq ou six de ses soldats, en disant:
    —Empoignez cet homme et faites débarquer tous les autres.
    Les Maugrebins étaient tous armés; ils s'entreregardèrent; mais Heussein Bey s'avança résolument au milieu d'eux, et, avec cet ascendant que donnent le courage et l'habitude du commandement, il les obligea à descendre dans les embarcations.
    Le gouverneur nous emmena à son divan, fit comparaître le chef des Maugrebins, instruisit l'affaire, et dit, en voyant l'égratignure de Domingo:
    —C'est dommage que ce ne soit pas une bonne blessure; cela m'eût permis de faire un exemple.—Et se tournant vers son chaouche:—Qu'on donne au drôle cent coups de bâton!
    À cet arrêt, le Maugrebin, qui était fils d'un kaïd de l'Algérie, exhiba pour la première fois son passeport français.
    L'agent français, ayant été mandé, dit au Bey qu'il ne pouvait autoriser la bastonnade. Heussein Bey allégua que nous étions munis d'un firman du vice-roi, et que si le gouvernement français était trop bénin envers ses sujets Maugrebins, il n'entendait point agir de même. Nous intervînmes aussi, mais nous ne pûmes obtenir que la diminution d'une moitié de la peine.
    Sur un signe du Bey, quatre hommes étendirent le condamné par terre; le Bey, comme pour apaiser son humeur, lui appliqua vigoureusement les premiers coups et passa le rotin à un de ses soldais qui, acheva consciencieusement la besogne.
    Le Bey nous retint à dîner, nous engagea à frêter le bugalet en entier et surtout à n'admettre à notre bord aucun pèlerin.—Nous suivîmes son conseil, et un vent favorable nous conduisit en six jours à Djeddah.
    Là, mon domestique égyptien, Ali, effrayé des dangers d'un voyage en Éthiopie, nous quitta pour s'en retourner au Caire. Quant à nous, après quelques jours passés en compagnie de notre consul, l'aimable et savant M. Fresnel, nous nous embarquâmes le 11 février 1838, et le 17, nous abordions à l'île de Moussawa.
    Les habitants de cette île n'avaient vu qu'un très-petit nombre d'Européens. Depuis peu, la Société biblique anglaise entretenait trois missionnaires allemands à Adwa, dans le Tigraïe, où, grâce à des présents considérables, le Dedjadj Oubié, prince régnant dans le pays, leur permettait de séjourner; ses sujets, du reste, tous schismatiques eutychiens, ne voyaient aucun inconvénient à la présence de ces prédicateurs, dont les croyances religieuses étaient si éloignées des leurs. Un naturaliste allemand, envoyé par une société scientifique de son pays, habitait également Adwa. Ces quatre messieurs étaient, avec un tailleur grec, et un officier allemand venu d'après les conseils des missionnaires, les seuls Européens alors dans le pays; aussi, l'arrivée de cinq Européens fit-elle évènement; et une foule considérable se porta sur le quai pour nous voir débarquer.
    L'aspect misérable des maisons de l'île, les soldats turcs déguenillés, quelques canons rongés de rouille, couchés sur des affûts en ruine, et l'aridité des grèves offraient un triste spectacle. À l'horizon, du côté de l'ouest, s'élevaient de grandes montagnes d'un bleu sombre, que nous avions à franchir pour atteindre le premier plateau éthiopien. Ce ne fut point sans un serrement de cœur que nous prîmes terre.
    À Moussawa, les indigènes parlent la langue Kacy et ils nomment l'île Batzé. Les chrétiens du haut pays l'appellent Mitwa; les gens de Dahlac, Miwa; enfin, en langue arabe, on lui donne le nom de Moussawa, qui est le plus généralement employé. La plus grande longueur de l'île est dans le sens E.-N.-O. et O.-S.-O.; cette longueur est de 880 mètres, sur une largeur de 260. Le sol est composé d'un corail blanchâtre qui produit une pierre cassante aux formes sinueuses et tourmentées. La plus grande élévation de cette île plate est au nord du cimetière, où elle s'élève à 6 mètres, tandis qu'à l'ouest le terrain s'abaisse jusqu'au niveau de la mer, qui n'a que très-peu d'eau de ce côté. En approchant de l'île, on aperçoit du côté de l'est, le cap Médir, garni d'un
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