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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata
Autoren: Robert Harris
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il était sans
doute habitué à de telles scènes. Il écarta les cheveux pour révéler une
empreinte profonde juste au-dessus de l’oreille droite du garçon, et enfonça
son pouce dedans.
    — Tu vois ? On dirait qu’il a été abattu
par-derrière, avec un marteau, semble-t-il.
    — Le visage fardé, les rubans dans les cheveux, assommé
par-derrière avec un marteau, répéta Cicéron, sa diction se ralentissant à
mesure qu’il comprenait où sa logique le menait. Puis la gorge tranchée. Et
finalement, le corps éviscéré.
    — Exactement, dit Octavius. Ses assassins ont dû
vouloir inspecter ses entrailles. Il a été victime d’un sacrifice – un
sacrifice humain.
    À ces mots, en ce lieu froid et sombre, je sentis mes cheveux
se dresser sur ma nuque et je sus que je me trouvais en présence du Mal – le
Mal en tant que force palpable, aussi puissante que la foudre.
    — Aurais-tu, demanda Cicéron, entendu parler de cultes
dans cette ville qui impliqueraient la pratique d’une telle abomination ?
    — Non, aucun. Il y a toujours les Gaulois, bien sûr… on
dit qu’ils font ce genre de choses. Mais ils ne sont pas nombreux dans la cité
en ce moment, et ceux qui sont là se conduisent de façon civilisée.
    — Et qui est la victime ? Quelqu’un l’a réclamée ?
    — C’est l’autre raison pour laquelle je voulais que tu
viennes voir la chose par toi-même.
    Octavius fit rouler le corps sur le ventre.
    — Il y a une petite marque de propriété juste au-dessus
des fesses, tu vois ? Ceux qui ont jeté le corps ont pu ne pas la voir. «  C. Ant. M.f.C.n . »,
Caius Antonius, fils de Marcus, petit-fils de Caius. Voilà une famille très en
vue ! C’était donc l’esclave de ton collègue consulaire, Antonius Hybrida.
    Il se releva et s’essuya les mains sur la voile avant de la
rejeter avec désinvolture sur le corps.
    — Qu’est-ce que tu veux faire ?
    Cicéron contemplait, comme hypnotisé, le ballot pathétique à
ses pieds.
    — Qui est au courant ?
    — Personne.
    — Hybrida ?
    — Non.
    — Pourquoi cette foule, dehors ?
    — Le bruit court qu’il y a eu une sorte de meurtre
rituel. Tu es bien placé pour savoir comment sont les foules. Les gens disent
que c’est un mauvais présage à la veille de ton consulat.
    — Ils ont peut-être raison.
    — L’hiver a été rude. Il ne serait pas inutile de les
calmer. Je me disais que nous pourrions prévenir le collège des pontifes pour
leur demander de célébrer une sorte de cérémonie de purification…
    — Non, non, intervint aussitôt Cicéron en détachant son
regard du corps recouvert. Pas de prêtres. Les prêtres ne feraient qu’aggraver
les choses.
    — Que faire, alors ?
    — N’en parle à personne. Fais brûler les restes le plus
tôt possible. Ne laisse personne les voir. Interdis à tous ceux qui ont déjà vu
le corps de livrer des détails à quiconque, sous peine d’emprisonnement, voire
pis.
    — Et la foule ?
    — Tu t’occupes du corps. Je me charge de la foule.
    Octavius haussa les épaules.
    — Comme tu voudras.
    Il ne semblait pas très concerné. Il était à deux jours de
quitter ses fonctions, et j’imagine qu’il était soulagé d’être débarrassé du
problème.
    Cicéron alla jusqu’à la porte et respira profondément à
plusieurs reprises, ce qui ramena un peu de couleurs à ses joues. Alors, ainsi
que je l’avais vu faire si souvent, il se redressa et plaqua une expression
assurée sur son visage. Puis il sortit et grimpa sur un tas de planches pour s’adresser
à la foule.
    — Romains, j’ai pu vérifier que les sombres rumeurs qui
courent dans la cité sont absolument fausses ! (Il devait hurler dans les
rafales glacées pour se faire entendre.) Retournez auprès de vos familles et
profitez pleinement des festivités !
    — Mais j’ai vu le corps ! cria un homme. C’était
un sacrifice humain, pour amener la malédiction sur la république !
    Sa vocifération fut reprise par d’autres :
    — La cité est maudite !
    — Ton consulat subira la malédiction !
    — Qu’on fasse venir les prêtres !
    Cicéron leva les mains.
    — Certes, le corps est dans un état épouvantable. Mais
qu’attendiez-vous ? Le pauvre garçon a séjourné longtemps dans l’eau. Les
poissons sont affamés. Ils prennent leur nourriture là où ils la trouvent. Vous
voulez vraiment que je fasse venir un prêtre ? Pour quoi faire ? Pour
maudire les
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