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Carnac ou l'énigme de l'Atlantide

Carnac ou l'énigme de l'Atlantide

Titel: Carnac ou l'énigme de l'Atlantide
Autoren: Jean Markale
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pouvaient constituer qu’une partie d’une totalité
encore plus grandiose dont il me restait à déterminer les contours exacts. Je
devais donc explorer les moindres tertres des alentours de Carnac, persuadé qu’ils
formaient avec les alignements les éléments d’un immense sanctuaire répartis
sur une terre consacrée de toute antiquité au culte de l’Autre Monde. Gavrinis,
sur une petite île du golfe du Morbihan, et dont j’avais déjà vu les
reproductions des magnifiques supports gravés, me paraissait un point essentiel,
pour ne pas dire le pivot du système mis en place par les théologiens du
troisième ou du quatrième millénaire avant notre ère, ces théologiens de génie,
qui étaient aussi des astronomes astrologues et des architectes, et qui
connaissaient exactement où se situaient les lignes de force qui inondent la
terre, ainsi que les points névralgiques où la terre peut communiquer avec le
ciel. Après tout, le nemeton, cette « clairière sacrée » au milieu
des forêts, où officiaient les druides, et dont le nom provient du celtique nem , le « ciel », n’est pas une création gauloise : les
druides n’ont fait que s’installer sur des sanctuaires plus anciens, et
nombreuses sont les chapelles qui occupent l’emplacement d’un nemeton. Le
Sacré est, sur notre terre transitoire, ce qui demeure le plus fidèlement voué
à la mémoire.
    C’est par un jour quelque peu pluvieux de septembre 1956 que
nous abordâmes, Claire et moi, dans l’île de Gavrinis, venant de Larmor-Baden à
bord d’une simple barque de pêcheur qui servait occasionnellement à faire le
tour du golfe pour d’audacieux touristes férus de beaux paysages, mais non
encore habitués aux vedettes confortables qui dénaturent actuellement la
sérénité du Morbihan, cette « Petite Mer » épargnée par les grands
vents du large, et souvent baignée par les rayons d’un soleil que les Méditerranéens
ne renieraient point. On nous débarqua à Gavrinis, mais tout à fait de l’autre
côté du tumulus. Il nous fallait alors traverser l’île pour gagner le monument.
    Étrange randonnée. Nous suivions un sentier entre deux haies.
À gauche, dans un pré, il y avait des moutons blancs. À droite, dans un autre
pré, c’étaient des moutons noirs. Le mythe celtique affluait avec violence, et
je ne pus m’empêcher d’évoquer deux épisodes majeurs de la tradition, l’un issu
du texte irlandais de la Navigation de Maelduin, l’autre du récit
gallois de Peredur, quête du Graal archaïque dont le héros, équivalent
de Perceval, passe son temps à rechercher le « Château des Merveilles ».
Dans l’un et l’autre épisode, le thème est le même : quand un mouton blanc
passe dans le domaine des moutons noirs, il devient noir, et quand un mouton
noir passe dans le domaine des moutons blancs, il devient blanc. On a beaucoup
commenté ce thème et on en a conclu qu’il s’agissait du fameux « Gué des Âmes »
de la croyance druidique : c’est le symbole de l’interpénétration entre
les deux mondes, du passage de l’un à l’autre, mais dans n’importe quel sens. Pour les Celtes, comme le dit le poète latin Lucain, répétant les paroles d’un
druide, « la mort n’est que le milieu d’une longue vie ».
    Je ne peux affirmer qu’en ce jour de septembre 1956, des
moutons noirs devinrent blancs ni que des moutons blancs devinrent noirs. Mais
les éléments du mythe se trouvaient en place. Assurément, pour nous, Gavrinis
ne pouvait être qu’une de ces étranges frontières, une sorte de zone intermédiaire
où les deux mondes s’affrontaient paisiblement, se côtoyaient et s’interpénétraient
parfois. Cela donnait d’autant plus de prix à notre errance à travers l’île, sur
ce sentier, sur deux allées recouvertes de hêtres, puis de chênes, le long du
tertre. Et le tertre apparut enfin, face au couchant, face au grand large aussi,
car on distinguait nettement le goulet qui sépare la pointe de Kerpenhir en
Locmariaquer de l’extrémité de Port-Navalo, au bout de la presqu’île de Rhuys.
    Nous y pénétrâmes comme on entre dans un sanctuaire, avec un
respect digne des plus grandes célébrations. L’humidité nous saisit, mais, à la
lueur des bougies, seules capables de rendre compte de la magnificence du lieu,
nous fûmes saisis par la transe, par cette espèce de joie intérieure qui
illumine les plus obscurs corridors de la terre. Oui, c’était bien
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