Amy, ma fille

prémonition, mais je ne le crois pas. C’était un bon moment, c’est tout.
    *
    Je l’ai revue le lendemain. Nous avons essentiellement parlé du travail qu’elle devait fournir pour son prochain album. J’ai fouillé toute la maison pour m’assurer qu’elle ne cachait pas une bouteille quelque part. Je l’ai vue et appelée presque tous les jours au cours des semaines suivantes. Peu à peu, le mot « alcool » a disparu de nos conversations.
    Le dimanche 10 juillet, Jane et moi avons passé une agréable journée avec Amy à Camden Square. Nous avons déjeuné puis profité de l’après-midi en bavardant et en écoutant de la musique. Amy avait fait la DJ dans un pub du quartier quelques jours plus tôt et, à cette occasion, avait ressorti toute sa collection de disques. C’était un dimanche en famille comme les autres.
    Le lendemain, elle m’a dit au téléphone qu’elle allait jouer au billard dans un bar. Je me suis inquiété : c’était synonyme de boisson. J’ai demandé à Andrew de m’avertir si elle buvait, mais il n’a pas eu à le faire. Dès qu’ils sont arrivés dans le bar, Amy a dit au patron : « Ne me servez pas d’alcool, sous aucun prétexte. » Ce soir-là, j’ai noté dans mon journal : « Je suis très fier d’Amy. C’est très encourageant. »
    Le 14 juillet, nous avons de nouveau passé la journée ensemble. Elle avait trouvé sur internet des remixes dance de « Please Be Kind », un des morceaux de mon album. Nous les avons écouté ensemble (Amy les trouvait assez bons) et pour plaisanter, elle m’a dit :
    — Tu sais quoi ? Je vais les apporter dans le pub où je mixe, la prochaine fois. Je te garantis qu’ils vont devenir numéro un des ventes en un clin d’œil.
    — Alors tu fais la DJ de façon régulière ? J’espère qu’ils te paient ! ai-je répliqué en riant.
    — Oh arrête ! Je fais ça pour le plaisir ! Je me sens libre à Camden. C’est mon terrain de jeux. Et puis dans cette maison, je suis en sécurité. C’est tellement tranquille.
    Je devais m’envoler pour New York le 22 juillet afin de donner une série de concerts. La veille, je suis passé dire au revoir à Amy à Camden Square. C’est là qu’elle m’a montré les photos qu’elle avait retrouvées. Elle m’a dit qu’elle allait voir Dionne chanter au iTunes Festival le soir même. Je lui ai demandé de souhaiter bonne chance à son amie de ma part. Quand nous nous sommes parlé le lendemain, elle m’a raconté qu’elle avait passé une excellente soirée. Dionne l’avait invitée sur scène et elle avait dansé pendant que la jeune fille chantait.
    Malheureusement, ça a été la dernière apparition publique d’Amy.
    Le samedi 23 juillet, ma fille chérie est décédée.

21
    Adieu, Camden Town
    Je suis arrivé à l’aéroport d’Heathrow le dimanche 24 juillet. Mon ami Hayden m’a accueilli pour m’emmener chez lui, dans le nord de Londres, où Jane m’attendait. Nous avons pleuré toutes les larmes de notre corps.
    Ensuite, nous sommes allés chez Janis, non loin de là, et nous avons continué de pleurer. Alex et Riva y étaient déjà et beaucoup de gens nous ont rejoints au cours de la journée. J’étais tellement hébété que je ne me souviens plus exactement des détails. Des choses se passaient autour de moi, mais j’avais l’impression d’être extérieur à la scène, comme si je regardais un film.
    Je n’arrêtais pas de me demander : « Comment est-ce possible ? »
    J’avais vu Amy avant mon départ pour New York et elle allait bien. Janis, Richard et Reg l’avaient vue le lendemain : elle allait bien. Et le soir aussi, même si Andrew l’avait trouvée un peu « éméchée ». Elle avait passé la soirée dans sa chambre, à chanter et jouer de la batterie. Le lendemain matin, il était monté la voir et avait cru qu’elle dormait. Puis, quelques heures plus tard, il s’était rendu compte qu’elle ne dormait pas et avait tiré la sonnette d’alarme.
     
    Beaucoup de gens croient que la vie d’Amy a été chaotique durant ces dix-huit derniers mois. Pourtant, rien ne pourrait être plus faux. Certes, il lui est arrivé de replonger dans l’alcool, mais ces rechutes s’étaient progressivement espacées. Ceux qui l’entouraient étaient persuadés qu’elle se trouvait sur le chemin de la guérison. Certains signes le prouvaient : ses vêtements étaient bien rangés dans son armoire, ses CD triés par