Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Titel: Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
Autoren: Paul Aussaresses
Vom Netzwerk:
dans les yeux avec insistance :
    —  Aussaresses, j’interdis qu’il s’évade ! Compris ?
    À ces mots, je me suis directement rendu à El-Biar, boulevard Clémenceau, où Boumendjel était détenu.
    Il y avait plusieurs bâtiments. Certains de ces bâtiments étaient reliés entre eux par des passerelles au niveau des terrasses du sixième étage. La cellule de Boumendjel était au rez-de-chaussée.
    Je suis passé au bureau du lieutenant D., qui sembla étonné de me voir :
    —  Qu’est-ce que je peux faire pour vous, mon commandant ?
    —  Eh bien voilà, D. : je viens d’assister à une longue réunion, en présence du général Massu. Mon sentiment, à la sortie de cette réunion, c’est qu’il ne faut absolument pas laisser Boumendjel dans le bâtiment où il se trouve actuellement.
    —  Et pourquoi donc ?
    —  Pour différentes raisons. Par exemple, parce qu’il pourrait s’évader. Imaginez un peu ! Massu serait furieux si cela arrivait.
    —  Où faut-il le mettre, alors ?
    —  J’ai bien réfléchi à la question. Le mieux serait de le transférer dans le bâtiment voisin. Mais attention ! Pour effectuer ce transfert, il ne faut surtout pas que vous passiez par le rez-de-chaussée, ce qui attirerait trop l’attention.
    D. écarquillait les yeux et ne comprenait pas où je voulais en venir, même s’il commençait, sans doute, à le deviner.
    —  Mon commandant, expliquez-moi exactement ce que je dois faire.
    —  Très simple : vous allez chercher votre prisonnier et, pour le transférer dans le bâtiment voisin, vous empruntez la passerelle du 6 e étage. J’attends en bas que vous ayez fini. Vous me suivez mieux maintenant ?
    D. hocha la tête pour me montrer qu’il avait compris. Puis il disparut.
    J’ai attendu quelques minutes.
    D. est revenu, essoufflé, pour m’annoncer que Boumendjel était tombé. Avant de le précipiter du haut de la passerelle, il l’avait assommé d’un coup de manche de pioche derrière ta nuque.
    J’ai sauté dans ma Jeep. Je suis retourné voir Massu et les autres qui discutaient encore.
    —  Mon général, vous m’avez dit qu’il ne fallait pas que maître Boumendjel s’évade. Eh bien, il ne s’évadera pas parce qu’il vient de se suicider.
    Massu, comme à l’accoutumée, poussa un grognement et je quittai les lieux.
    La mort de Boumendjel eut un incroyable retentissement et fit couler beaucoup d’encre. On atteignit les sommets de l’hypocrisie, puisque le gouvernement, comme il est d’usage en des circonstances analogues, exigea à grand bruit toutes sortes d’enquêtes et de rapports. On en débattit jusque dans l’hémicycle de l’Assemblée.
    J’étais parfaitement informé des campagnes qui étaient menées par l’intelligentsia parisienne contre la torture et qui mettaient en cause l’armée française. Je n’y voyais évidemment qu’une manière de soutenir l’action du FLN.
    Or ce « suicide », qui ne trompa pas les mieux informés, était justement un avertissement pour le FLN et pour ses sympathisants. Au début, nous flinguions les seconds couteaux. Là, il s’agissait d’un notable. Beaucoup de gens comprenaient que Boumendjel était lié à des personnalités de métropole dont certaines jouaient sûrement un rôle actif et important dans la rébellion algérienne.
    D’un notable musulman à un notable français, il n’y avait qu’un pas et j’étais bien décidé à le franchir. Trinquier partageait mon point de vue.
    Les différentes autopsies et contre-autopsies qui turent ordonnées révélèrent que Boumendjel était mort « par écrasement » et que son corps ne portait aucune trace de violences. On ne me mit évidemment jamais en cause et D. s’en tint, quant à lui, à ta version officielle, celle de l’inexplicable suicide de l’avocat algérois.
    C’est au moment de la mort de Boumendjel et des réactions hystériques qu’elle a entraînées dans les milieux favorables au FLN en métropole que j’ai commencé à vraiment songer aux porteurs de valises 74 . Il n’y avait pas de raison de les traiter avec plus d’égards que les musulmans. La bataille d’Alger était presque gagnée. Pour en finir avec le FLN, il fallait aussi opérer sur l’Hexagone.

Une bataille gagnée
    Au printemps, Le Monde pouvait titrer en une : « La bataille d’Alger, une bataille gagnée 75 . » Ce n’était pourtant pas tout à fait vrai.
    Certes, le FLN était battu à Alger.
Vom Netzwerk:

Weitere Kostenlose Bücher