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Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Services Spéciaux - Algérie 1955-1957

Titel: Services Spéciaux - Algérie 1955-1957
Autoren: Paul Aussaresses
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avait de la fortune.
    Pierre Misiry était issu d’une famille ardéchoise installée en Tunisie et, de ce fait, il avait appris parfaitement l’arabe de l’Afrique du Nord. Lui aussi s’était engagé à dix-huit ans et avait fait campagne en Indochine comme parachutiste.
    Avec ces deux jeunes garçons dynamiques, je me suis trouvé tout de suite en confiance et j’ai commencé à constituer mon réseau.
    J’ai rendu visite à tous les gens qui semblaient pouvoir être de quelque utilité. D’abord le capitaine Bastouil, major de garnison 20 . C’était un vieux parachutiste. Il me dit qu’il rédigeait un rapport trimestriel dans le cadre de ses fonctions et qu’il se faisait assister par les renseignements généraux.
    Je n’avais encore jamais travaillé avec la police et je distinguais mal les différences entre services. Grâce aux indications de Bastouil, je compris vite que les RG, c’était le service de renseignements de la sous-préfecture. J’ai donc pris contact avec le commissaire Arnassan qui en était responsable. Il me conseilla d’aller voir deux de ses collègues : le commissaire Bourges, chef de la police judiciaire, et le commissaire central Alexandre Filiberti, chargé de la sûreté urbaine. J’ai noué de cordiales relations avec ces trois fonctionnaires qui sont devenus des camarades.
    Il y avait aussi la gendarmerie : l’organisme avec lequel j’ai entretenu les rapports les plus fructueux était une brigade de recherche commandée par le maréchal des logis-chef Buzonie, un Périgourdin qui ne s’entendait pas avec son commandant de compagnie mais qui savait prendre des initiatives.
    Une fois mis en confiance, les policiers m’expliquèrent sans détour le caractère critique de la situation et les menaces d’attentats qui planaient sur la ville. Ils ne firent pas mystère de la manière dont ils étaient obligés de travailler, avec les moyens dérisoires dont ils disposaient.
    Ils me firent vite comprendre que la meilleure façon de faire parler un terroriste qui refusait de dire ce qu’il savait était de le torturer. Ils s’exprimaient à mi-voix, mais sans honte, sur ces pratiques dont tout le monde, à Paris, savait qu’elles étaient utilisées et dont certains journaux commençaient à parler.
    Jusqu’à mon arrivée à Philippeville, j’avais été amené à interroger des prisonniers mais je n’avais jamais torturé. J’avais entendu dire que des procédés semblables avaient déjà été utilisés en Indochine, mais de manière exceptionnelle. En tout cas, cela ne se pratiquait pas dans mon bataillon et la plupart des unités engagées dans la guerre d’Algérie n’avaient jamais été jusque-là confrontées au problème.
    Avec le métier que j’avais choisi, j’avais déjà tué des hommes et fait des choses éprouvantes pour les nerfs, mais je ne m’attendais vraiment pas à ça. J’avais souvent pensé que je serais torturé un jour. Mais je n’avais jamais imaginé la situation inverse : torturer des gens.
    Au Maroc, en 1942, juste après m’être engagé dans les services secrets, je m’étais retrouvé devant un officier aviateur de la sécurité militaire, le capitaine Delmas, qui avait estimé nécessaire de m’avertir :
    —  Vous savez ce que vous risquez, au moins, en entrant dans les services spéciaux ?
    —  Oui, mon capitaine, je risque d’être fusillé.
    —  Mon pauvre garçon, s’était exclamé Delmas en levant les yeux au ciel, mais quand on vous fusillera, vous serez bien soulagé, parce que, avant, on vous aura torturé. Et la torture, vous verrez, c’est moins marrant que la mort !
    Dans la Résistance, puis au sein du Service, les copains m’avaient dit qu’il était impossible de résister à la torture et qu’il venait un moment où il était légitime de parler. La moindre des choses était de tenir quarante-huit heures en criant le plus fort possible. Il y a des tortionnaires qui sont plus fragiles que leurs victimes et que ça peut impressionner. Et puis, crier, ça fait du bien quand on a mal. En outre, ces quarante-huit heures laissaient à ceux qui risquaient d’être dénoncés le temps de prendre leurs dispositions. Au pire, on avalait sa capsule de poison, et tout était terminé.
    Je m’étais préparé à tous les supplices, mais j’avais pris la décision de ne jamais emporter le cyanure réglementaire à l’occasion de mes missions. Si on me prenait, je gueulerais. Après, on verrait
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