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Romandie

Romandie

Titel: Romandie
Autoren: Maurice Denuzière
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Porrentruy, excroissance suisse
en France, jusqu’au pied du Grand-Saint-Bernard, et qui englobe, je vous le rappelle,
le Jura bernois, un peu de Soleure, Neuchâtel, les trois quarts de Fribourg, Genève
et Vaud, est terre d’élection du romantisme. Rousseau qui, le premier, employa
le mot, Senancour, Chateaubriand, Hugo, Liszt, Mendelssohn et bien d’autres
artistes au cœur sensible l’ont confirmé. Notre Léman irrigue de sa sève
poétique toute la Suisse romande, jusqu’aux marches alémaniques ! Alors, pourquoi
refuser M. de Balzac dont le romantisme éclate aussi bien dans la vie
que dans les œuvres ?
    — Peut-être faudrait-il que des gens éclairés, d’esprit
plus moderne, comme vous, monsieur, entrent dans le comité, pour faire
connaître des goûts neufs en matière de littérature, dit aimablement le
banquier.
    Comme le professeur se taisait, Pierre-Antoine ajouta :
    — Si vous souhaitez être du comité, je puis
naturellement appuyer votre candidature, cher monsieur.
    Chantenoz n’avait aucun goût pour les comités, quels qu’ils
fussent. Il se contenta d’une inclinaison de tête, pour marquer qu’il appréciait
la proposition du banquier.
    — Je vous trouve un peu injuste, Martin, pour la
Société. Elle a eu le courage de soutenir l’action déterminante de Jean-Gabriel
Eynard en faveur de l’indépendance de la Grèce, risqua Axel.
    — M. Eynard est bien récompensé. On dit qu’il est
devenu une sorte de conseiller privé du roi Othon, qui lui a passé au cou l’écharpe
de grand-croix de l’ordre du Sauveur, dit Chantenoz, qui n’aimait guère l’homme
d’affaires promu philanthrope.
    — À propos, savez-vous le bruit qui court, maintenant
avec insistance, dans Genève, susurra Aricie, ravie d’apporter son tribut aux ragots.
On dit que la jolie Sophie, qui va sur ses dix-sept ans et que les Eynard
présentent comme leur pupille, serait en réalité la fille de Jean-Gabriel et de
la sœur de Napoléon, Élisa, autrefois grande-duchesse de Toscane [16] .
    — C’est une légende ! On dit cela parce que
Jean-Gabriel fut longtemps le conseiller le plus écouté et le plus apprécié de
la grande-duchesse, s’insurgea vivement M. Laviron.
    — Qui fit sa fortune et tenta plusieurs fois de le bien
marier, renchérit Charlotte, qui avait animé, autrefois, le comité philhellène
de Lausanne et fréquenté les Eynard.
    — Le général pourrait peut-être nous éclairer, dit
Chantenoz, aussi excité par la nouvelle que par les vins capiteux du banquier.
    Élisa Bacciochi, ex-grande-duchesse de Toscane, étant morte depuis
douze ans, Blaise de Fontsalte ne crut pas commettre d’indiscrétion en
satisfaisant la curiosité du professeur. Par ses fonctions au service des
Affaires secrètes et des Reconnaissances il avait, jadis, constaté qu’un
mystère entourait la naissance, en 1817, du dernier enfant d’Élisa, Sophie.
    — Il est vrai que cette petite Sophie ne figure pas
dans la liste des cinq enfants auxquels la princesse donna officiellement
naissance, dit-il, conscient d’éveiller la curiosité des convives. Trois moururent
en bas âge et nous savons qu’à la mort de la grande-duchesse ne survivaient que
Napoléone, née en 1806, aujourd’hui comtesse Camerata, et Frédéric-Napoléon, qui
est mort l’an dernier, à Rome, d’une chute de cheval. De Sophie, nulle trace
dans les actes officiels. C’est cependant cette enfant que Jean-Gabriel Eynard
est allé chercher en 1820, à Trieste, après la mort de sa mère. C’est tout ce
que l’on peut dire avec certitude, conclut Blaise.
    — Eynard, dont nous connaissons tous le grand cœur, ramena
la petite à Genève et en fit, sans mystère, sa fille adoptive. M me  Eynard,
sa ravissante épouse, Genevoise bon teint, puisque née Anne-Charlotte-Adélaïde
Lullin de Châteauvieux, dont les ancêtres ont servi dans les contingents
suisses des armées françaises, ne pouvait avoir d’enfant, précisa le banquier.
    — On dit aussi que Jean-Gabriel envisage de marier sa
pupille à son neveu, Charles Eynard, fervent adepte de la secte des darbystes, ces
calvinistes de stricte obédience, ajouta M me  Laviron.
    Axel, qui lisait sur le visage de sa femme une certaine
contrariété, provoquée par l’évocation complaisante des faiblesses humaines, se
souvint d’une phrase, autrefois prononcée par Adriana, lors de son séjour à
Genève pour obtenir le soutien de Jean-Gabriel Eynard, au
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