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Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial

Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial

Titel: Paul Verlaine et ses contemporains par un témoin impartial
Autoren: Fernand Clerget
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devait mûrir, vers les hommes que ses cris d’angoisse et ses fines satires devaient surprendre et modifier. Comme autrefois aux porteurs d’idées nouvelles, initiatrices des réformes, les portes brusquement se fermèrent devant lui ; la crainte, l’indifférence ou l’incrédulité l’isolèrent ; on le laissa vivre cependant, mais il ne trouva plus d’asile que sur la rive gauche de la Seine, au quartier des Écoles.
     
    Alors, tout un essaim de jeunes étudiants, butinant les fleurs d’art écloses dans les souvenirs familiers du Luxembourg, du boulevard Saint-Michel et de la rue Saint-Jacques, recueillaient la science que durant des siècles l’Université avait préparée, sur les flancs de cette Montagne-Sainte-Geneviève riche de trésors philosophiques. Cette jeunesse semblait armée d’une foi nouvelle, et volontiers quittait le chemin aisé de la richesse pour les sentiers abrupts où se cueille, au prix de veilles fatigantes et de sanglants efforts, la fleur rare qui pour les uns fructifie en force et en pouvoir, pour les autres en idéal et en justice. Choisissant donc la même voie qu’avait jadis choisie Verlaine, elle le rencontra, le comprit et ne le quitta plus. C’est pourquoi je n’ai presque jamais vu Verlaine seul ; plusieurs l’accompagnaient dans ses courtes promenades autour du Panthéon, ou, se réunissant en plus grand nombre chez lui, s’apprenaient à deviner et à retenir le profond enseignement humain qu’il ne disait pas en termes précis, qu’il fallait au contraire découvrir sous les infinies nuances de son verbe tourmenté comme sa vie, et parfois scruter sous une parole en apparence insignifiante : Certaines sciences ne sont-elles pas terribles, au point que même une parole insignifiante ne les doit point révéler ? il se taisait alors, mais son regard avait la brève lueur de l’éclair qui en brillant révèle la foudre. Il fallait la robuste foi de ces jeunes gens pour résister à la réprobation qui, frappant le Maître, les frappait eux-mêmes ; plusieurs sont morts, dont les débuts promettaient de belles moissons : mais les groupes recevaient des adhésions nouvelles, et quand à son tour le Maître mourut, qui ne fut surpris de lui reconnaître tant d’amis et d’admirateurs ?
     
    Il en est un, qui avait partagé les enthousiasmes adolescents de Verlaine. Ils n’avaient pas vingt ans, que déjà leur amitié s’était scellée pour toujours. S’ils ne vécurent pas depuis côte à côte, c’est pour l’unique raison que Verlaine, trop dissemblable même de celui-là, ne pouvait s’associer que pour un temps ; il avait marché plus loin, mais Edmond Lepelletier ne devait jamais l’oublier. À chaque appel de Verlaine, il était prêt ; c’est lui qui soutint seul la renommée du Maître, pendant quelques années, et c’est lui qui, le lendemain de la mort, rappela ces souvenirs particuliers, en y précisant que Verlaine avait trouvé son véritable asile au Quartier-Latin. Je dois ici transcrire son récit [3]  :
     
    « La jeunesse a sans doute raison de réclamer Verlaine comme son élu. Il est indiscutable que sa gloire a eu pour berceau tardif le quartier des écoles et les revues juvéniles. J’en sais quelque chose. Il y a une quinzaine d’années, Verlaine, qui avait déjà publié les Poèmes saturniens , les Fêtes galantes , la Bonne Chanson , était complètement ignoré, non seulement du grand public, mais de l’auditoire restreint auquel peut prétendre un véritable artiste. C’était pis qu’un poète incompris, c’était un poète oublié. La grande trombe de 1870 avait passé sur ses œuvres, sur sa vie, et avait tout balayé : l’humble hysope et le chêne altier confondus dans une même destruction. Verlaine était absent, à l’étranger, à Mons, détenu. Il m’envoya par fragments, dans des lettres curieuses, poignantes ici, ironiques là, les poèmes destinés à être immortels sous le titre de Romances sans paroles . Je les publiai dans des conditions véritablement originales. Je me trouvais, de par l’état de siège, relégué à Sens, dirigeant le vaillant journal républicain de Valentin Simond, le Suffrage universel , suite du Peuple souverain de Paris, décapité par le grand sabre du général de Ladmirault, pour un article, qui paraîtrait bien anodin actuellement, signé d’Édouard Lockroy. À ma disposition, je n’avais que l’imprimerie de notre quotidien. Grâce à la
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