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La Révolution et la Guerre d’Espagne

La Révolution et la Guerre d’Espagne

Titel: La Révolution et la Guerre d’Espagne
Autoren: Pierre Broué , Emile Témime
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s’organiser sérieusement, a été la première
victime des événements de 36. La victoire des militaires lui a enlevé toute
chance de ressusciter dans l’immédiat. Dans l’Etat autoritaire, l’armée dicte
sa loi, et l’on ne dira jamais assez de quel poids pèsent, dans ces sociétés
essentiellement instables, des armées qui ne sont bonnes qu’à la guerre civile
et au maintien d’un certain « ordre ».
    Ce n’est pas non plus, au XX e siècle, un trait
propre à l’Espagne que l’existence d’une masse de paysans sans terre et de
paysans pauvres, subsistant à la limite de la disette et qui se jettent d’autant
plus facilement dans la lutte qu’ils n’ont rien à perdre et tout à
gagner ; non plus que l’existence d’une classe ouvrière encore étroitement
liée à la paysannerie, formée surtout de manœuvres et d’ouvriers sans
spécialité, dans laquelle il n’y a pratiquement pas d’« aristocratie
ouvrière » susceptible de modérer les élans combatifs de cette masse
fruste, mais capable de sacrifices. Ce n’est pas seulement en Espagne que ces
ouvriers et ces paysans se sont faits les troupes de choc de la révolution que
la bourgeoisie s’est refusée à accomplir par crainte des lendemains : le
Tiers-Etat du XX e siècle, même baptisé « Front
populaire », craque très vite, partout, sous la poussée du
« quatrième Etat » des ouvriers et des paysans pauvres, se battant
pour leur propre compte. L’Espagne n’est pas non plus le seul pays à avoir
manifesté d’éclatante façon la tendance populaire à la démocratie directe. La
même volonté d’exercice du pouvoir par le peuple en armes se trouve déjà chez
les sans-culottes parisiens de l’an II [3] .
    A ceux qui crient à « l’Espagne éternelle » devant
les milices de la République avec leurs chefs ouvriers élus et leurs titres
ronflants, il faut rappeler la Commune de Paris et ses Fédérés, ses
officiers-militants élus, ses « Turcos de la Commune », ses
« Vengeurs de Flourens », ses « Lascars ». Car ce n’est pas
seulement en Espagne et à Cuba que la Révolution est romantique. Faut-il
rappeler que c’est la Russie qui a vu surgir en 1905 les premiers
« conseils » – où, comme en Espagne, partis et syndicats, siégeant ès
qualités, avaient des représentations égales – et que le mot, en russe, se
traduit par soviet ? Faut-il, plus près de nous, évoquer le rôle joué en
1956 par les « Comités révolutionnaires », les « Conseils
ouvriers » et le « Conseil ouvrier central », pendant la
Révolution hongroise ?
    En outre, la révolution et la guerre d’Espagne sont loin d’avoir
été une affaire purement espagnole. De près ou de loin, tous les gouvernements
y ont participé, intervention et non-intervention s’expliquant par des intérêts
immédiats, des préoccupations stratégiques et diplomatiques, mais aussi des
intérêts généraux, de ceux qu’on appelle « historiques ». Pas plus qu’hier
les affaires du Viet-Nam ou de Corée, aujourd’hui celles de Cuba, du Congo ou d’ailleurs,
les affaires d’Espagne ne pouvaient se régler à l’intérieur de ses seules
frontières. Ces luttes civiles concernent finalement toutes les puissances et
tous les peuples, car elles ne sont que l’aspect particulier, dans un cadre
géographique précis, de la crise qui secoue l’humanité au siècle des guerres
mondiales.
    Jean Jaurès, qui fut, aussi, un historien, avoue qu’il se
serait volontiers, pendant la Révolution, assis aux côtés de Robespierre.
Suivons-le dans la voie de la franchise. L’historien parfaitement objectif n’est
pas encore né et celui qui croit l’être se ment à lui-même comme il ment aux
autres. Toutes les précautions dont s’entourent recherche et critique
scientifique ne suppriment en définitive ni nos sentiments ni nos réflexes
personnels. Pourquoi le cacher ? Le choix du sujet lui-même révèle nos
tendances profondes. Nous aussi, ayant « vécu » notre sujet, nous
avons eu tendance à prendre parti : en esprit du même côté des tranchées,
nous divergions pourtant spontanément, l’un plutôt d’accord avec les
républicains avancés et les socialistes modérés, soucieux qu’il est d’organisation
et d’efficacité, de rapport des forces à l’échelle mondiale, et l’autre avec
les communistes dissidents ou les syndicalistes révolutionnaires, parce qu’il
pense, avec Saint-Just, que
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