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Helvétie

Helvétie

Titel: Helvétie
Autoren: Maurice Denuzière
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ce fut différent. Beaucoup plus sérieux que ça ! N’empêche qu’au contraire de ce qu’écrivent les poètes des petits feux des sens, c’est l’absence qui a prolongé, fortifié, cimenté cet… cette affection entre votre mère et moi.
     
    – Vous hésitez à prononcer le mot amour. Pourquoi ? Je puis comprendre. Ça m’est arrivé !
     
    Blaise sourit et ralluma sa pipe en observant de biais ce garçon qui lui plaisait de plus en plus. Comme il s’y attendait, Axel finit par l’interroger sur l’anomalie qui les distinguait des autres. Blaise raconta la longue hérédité de l’œil vairon chez les Fontsalte avant d’en venir à ce qui lui tenait à cœur et qu’il souhaitait confier à ce fils inconnu.
     
    – Voyez-vous, les savants et les moins savants pensent qu’il s’agit seulement d’une anomalie de la vision. Ils se trompent tous et, comme moi, vous vous en apercevrez… parfois à vos dépens. Nous n’avons pas que l’œil vairon, mais aussi… le cœur vairon et l’esprit vairon. C’est à croire que notre regard bicolore nous fait voir les choses et les gens simultanément de deux façons différentes. Nous avons notre propre perception de la vie et cela fait de nous des étrangers au milieu, à la société, au monde dans lequel nous vivons. Il faut que vous sachiez ces choses.
     
    – J’ai déjà ressenti cela, dit Axel.
     
    Le lac, au pied du vignoble, paraissait, ce matin-là, encore plus bleu que le ciel.
     
    – Avez-vous d’autres enfants… comme moi ? demanda soudain Axel.
     
    – Une fille, plus âgée que vous, très belle et un peu folle, je le crains. Elle a aussi le regard vairon, les yeux Fontsalte. Elle se nomme Adrienne, mais on l’appelle Adriana et même, parfois, Adry. C’est une belle fille, volontaire et fantasque, aussi bizarre que sa mère, une gitane, qui passait pour un peu sorcière et qui a disparu, pendant que je guerroyais en Égypte, en abandonnant l’enfant et sans laisser d’adresse. Adrienne avait dix-sept ans quand elle s’est échappée du pensionnat où je l’avais placée, pour suivre, à Paris, le père d’une de ses camarades de pension, un médecin venu en Forez visiter une adolescente qu’il disait sa fille et qui n’était que sa maîtresse. Parfois, Adry daigne envoyer des nouvelles à ma mère qui l’a élevée, rarement toutefois, et sans jamais donner d’adresse. Il semble qu’elle ait adopté la façon de vivre de sa propre mère saltimbanque. Seulement, Adrienne connaît les manières du monde et possède une bonne instruction. Avec les atouts qu’elle a sous ses jupes et dans la tête, elle doit prétendre à faire carrière dans la courtisanerie de haut vol ! Son aventure avec le médecin fut brève. En fait, l’homme ne servit qu’à la conduire à Paris, à la présenter dans quelques salons huppés, où elle fréquenta des banquiers et trouva des amants. Car, ce qu’elle voulait, comme moi, c’était sortir du milieu des nobliaux misérables et connaître la vraie vie. Elle et moi y sommes parvenus, par des moyens différents, et j’espère qu’elle finira par rencontrer l’amour et la fortune.
     
    – Et vous ne savez rien d’elle ! C’est tout de même votre fille ! On ne peut pas dire que vous ayez l’esprit de famille ! remarqua Axel, s’enhardissant.
     
    – Je sais qu’elle est, ou a été, la maîtresse d’un diplomate autrichien de la suite de l’impératrice Marie-Louise. Pendant le congrès de Vienne, elle était dans l’entourage de Metternich et c’est là que j’ai pu, enfin, par un de nos agents diplomatiques, retrouver sa trace. Elle ne m’a écrit qu’une fois depuis, de Venise. On dit qu’elle a suivi l’impératrice Marie-Louise à Parme et qu’elle parade à la cour. Je la croyais bonne patriote et attachée à la gloire de l’empereur. Je me demande aujourd’hui dans quelle intrigue, et avec quel homme, elle évolue ! J’ai appris qu’elle réside souvent à Venise, qui est, paraît-il, la ville d’Europe où l’on s’amuse le plus librement. Les femmes émancipées sont ainsi, mon garçon, inattendues, surprenantes, coquines. Vous verrez ! Je vous dis tout cela, mon garçon, parce que cette charmante personne, fieffée gourgandine, est aussi votre demi-sœur !
     
    L’attitude du général, qui semblait faire si peu cas de ses enfants, étonnait Axel sans toutefois le scandaliser.
     
    – J’ai donc deux demi-sœurs. L’une par ma
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