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Haute-savane

Haute-savane

Titel: Haute-savane
Autoren: Juliette Benzoni
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accrocher sa longue-vue près de la porte puis entraîna ses hôtes vers un petit lavabo afin de procéder au lavage des mains, après quoi l’on alla rejoindre Mme Washington qui attendait dans la salle à manger.
    Du même âge que son mari, Martha Dandridge, épouse du général, était une petite femme plutôt ronde mais d’une extrême dignité et d’une aménité pleine de charme qui lui valait les suffrages unanimes de tous ceux qui passaient par Mount Vernon. À cinquante-cinq ans, elle était encore fraîche et de visage agréable, s’habillant avec une simplicité pleine de goût.
    Le général et elle étaient mariés depuis vingt-neuf ans mais les deux enfants qu’elle avait eus lui venaient d’un premier mariage, contracté à vingt ans avec le colonel Custis qui était l’un des plus riches propriétaires de Virginie et qui l’avait laissée veuve de bonne heure. Et Washington avait élevé les petits Custis avec autant de tendresse attentive que s’ils eussent été les siens car Martha était de ces femmes qui savent entretenir autour d’elles une atmosphère de bonheur paisible. Les soldats de son mari, pendant la guerre, ne s’y étaient pas trompés qui professaient pour elle une sorte de dévotion et l’avaient surnommée lady Washington.
    L’accueil qu’elle fit au Français fut en tout point conforme à son caractère et, en prenant place à table, à sa droite, Tournemine aurait juré au bout de cinq minutes qu’il connaissait et affectionnait Martha Washington depuis des années.
    — Nous apportez-vous des nouvelles de notre cher marquis de La Fayette ? demanda le général tandis que circulaient autour de la table les gâteaux et le thé au miel dont se composait le petit déjeuner. Il y a des mois que je n’ai rien reçu de lui.
    — Malheureusement non. Il y a même fort longtemps que je ne l’ai vu.
    — Comment cela ? Ne va-t-il donc jamais à la Cour ?
    — Je pense que si… encore que la reine ne l’aime guère. Mais c’est plutôt moi qui n’ai vu la Cour depuis bien des mois.
    — C’est vrai, vous avez eu d’assez sérieux ennuis. Je les ai appris par ce bon Tim. Ainsi vous voilà en disgrâce ?
    — En aucune façon, général. Je le suis si peu qu’à défaut de nouvelles du marquis, je vous apporte une lettre du comte de Vergennes que vous connaissez bien.
    — Que je connaissais bien… par écrit tout au moins ! C’est donc une sorte de testament qu’il m’envoie car j’ai appris hier, par un courrier rapide, la mort de M. de Vergennes. Il s’est éteint le 13 février paraît-il.
    Tournemine sentit une main glacée lui serrer le cœur : la maladie avait été plus vite encore qu’il ne le craignait. Et c’était le meilleur serviteur de Louis XVI qu’elle enlevait au royaume.
    Vergennes appartenait à cette race, beaucoup trop rare et d’ailleurs en voie de disparition, des véritables hommes d’État, de ceux qui font passer sans jamais hésiter l’intérêt de la patrie avant le souci de leur fortune. Toujours, il avait suivi les impulsions de son intelligence, qui était grande, et de son cœur qui ne l’était pas moins. Ainsi, il n’avait pas hésité à épouser, au temps où il était ambassadeur à Constantinople, une jeune veuve sans naissance, Anna Testa, qu’il aimait depuis longtemps et sa carrière avait failli s’en trouver brisée mais, sous ses dehors de nonchalant ennui, Louis XV savait apprécier un homme et Vergennes avait pu poursuivre sa tâche au service du royaume.
    À Versailles, on l’appréciait différemment. Le roi l’aimait et le soutenait avec une énergie, rare chez lui lorsqu’il s’agissait de combattre les inimitiés de la reine car Marie-Antoinette ne l’aimait pas et, au moment de la dramatique affaire du Collier, cette inimitié était presque devenue de la haine. Vergennes n’avait-il pas osé dire, avec sa franche honnêteté, qu’à son sens le cardinal de Rohan était innocent de ce vol crapuleux ? Quant à la Cour, beaucoup plus soucieuse d’embrasser les goûts de la reine que les amitiés du roi, elle ne déguisait qu’à peine ses dédains au gentilhomme bourguignon, croyant ainsi se venger, non sans sottise, d’une puissance qu’elle n’avait pu empêcher. Mais qu’allait-il advenir à présent d’un royaume dont Vergennes ne serait plus jamais le timonier ?
    — Vous semblez très ému, chevalier ? fit la voix calme de Washington. Étiez-vous à ce point
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