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Dernier acte à Palmyre

Dernier acte à Palmyre

Titel: Dernier acte à Palmyre
Autoren: Lindsey Davis
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de surveiller la mule de Philocrates, qui allait figurer dans une scène de voyage.
    — Et ce soir, ajouta-t-il avec beaucoup de satisfaction, nous allons enfin identifier notre meurtrier.
    — On peut toujours essayer, répliquai-je, car j’étais loin de partager sa certitude. Dis-moi, je te vois là avec tes animaux domestiques, mais où est passé le gros serpent ?
    — Il est dans sa panière, répondit-il avec un petit sourire ironique.
    La musique s’arrêta. Les musiciens partirent boire, et les filles se précipitèrent sous la tente qui servait de loge.
    Presque tous les soldats sortirent pisser, alors qu’aucun entracte n’était prévu. Mais ayant moi-même été soldat, je n’étais pas vraiment surpris.
    Les comédiens, qui en avaient vu d’autres, se contentèrent de soupirer en se serrant sur le côté pour laisser passer la meute.
    Je vis Tranio s’approcher pour sa première scène, où il jouait le cuisinier. Il paraissait préoccupé par son rôle, et j’étais sûr que j’aurais pu le déstabiliser si j’avais su lui poser la bonne question à ce moment précis. J’étais en train de formuler cette bonne question dans ma tête, quand Congrio me tira par la manche.
    — Falco ! Falco ! Cette tirade que j’ai à dire…
    La tirade de Congrio consistait en une ligne. Il jouait un esclave qui entrait annoncer que la jeune fille vertueuse venait d’avoir un enfant. En effet, dans les pièces, il y a toujours des jeunes filles vertueuses, mais pas plus vertueuses qu’il le faut. Le jeune héros traditionnel considère le viol comme le premier pas vers le mariage, et l’héroïne comique ne cherche jamais à l’en empêcher.
    — Elle est chiante, se plaignit Congrio. Helena Justina m’a dit que je pouvais ajouter des choses…
    — Ajoute ce que tu voudras, Congrio.
    Je tentai de m’éloigner de lui. Tranio était à quelques pas de moi, en train de coiffer sa perruque. Je venais à peine de libérer ma manche, qu’une poignée de soldats s’interposa entre nous. Ils détestaient cordialement les comédiens, mais je leur paraissais être une proie plus prometteuse. J’avais l’air assez costaud pour qu’ils puissent s’amuser à me défoncer le crâne.
    Je n’avais pas le temps de me débarrasser d’eux en leur débitant une plaisanterie bien grasse. Je bondis donc à travers leur groupe en jouant violemment des coudes et fonçai vers Tranio. À ce moment-là, un petit bonhomme m’arrêta à son tour en jurant qu’il me connaissait : une espèce de fou qui voulait me parler d’un bouc.

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    — Salut ! Alors ça, c’est de la chance !
    Le petit bonhomme avait un bras coupé au coude et m’offrait un sourire édenté. Ma première idée fut qu’il voulait me vendre quelque chose. C’était la bonne. Il voulait me refiler son bouc.
    La pièce commençait. Ribes s’était mis à jouer sur sa lyre la délicate mélodie qui constituait l’introduction.
    Au moment où j’allais écarter rudement cet avorton, j’eus l’impression de le reconnaître. Et son compagnon me reconnut probablement lui aussi, car fort familièrement, il me donna un grand coup de tête dans les reins. L’animal, qui m’arrivait à la taille, était marron avec des taches blanches, ses deux oreilles étaient agitées de tics nerveux, et son cou formait un angle bizarre avec le reste de son corps. Je me rappelais avoir payé pour voir cette bête née avec la tête à l’envers – d’après son propriétaire qui avait déjà essayé de me le vendre une fois.
    — On s’est rencontrés à Gerasa et je te cherchais, déclara-t-il.
    — Écoute, l’ami, je n’ai pas le temps. Tu vois bien que ton moment est mal choisi !
    Il prit un air catastrophé. Ils formaient une triste paire tous les deux.
    — Tu m’as laissé croire que tu étais intéressé, protesta l’homme.
    — Par quoi ?
    — Par mon bouc.
    Par tous les dieux !
    — Qu’est-ce qui a bien pu te faire croire ça ?
    — Toi ! À Gerasa. J’ai cru que l’affaire était quasiment dans la poche.
    Il commençait à me casser sérieusement les pieds, l’heure n’était plus à la diplomatie.
    — Eh bien, tu t’es trompé. Je t’ai parlé de ton bouc parce qu’il me rappelait une chèvre qui m’a appartenu.
    Il n’en crut pas un mot – comme souvent quand on dit la vérité. Pourtant un jour, pour des raisons compliquées, j’avais sauvé une chèvre destinée au sacrifice dans un temple au bord de la mer. J’étais obligé
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