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Voltaire

Voltaire

Titel: Voltaire
Autoren: André Maurois
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louanges. Chacune de ses « premières » devint l'occasion d'un scandale. Quand, la veille du jour des Rois, il fit jouer sa Marianne, tragédie juive, au moment où Marianne, femme d'Hérode, avalait une coupe de poison, un plaisant, au parterre, cria : « La Reine boit ! » Après cela, on ne put jamais entendre la fin de la pièce. Mais qu'importait à Voltaire? Il se croyait soutenu par de nobles amis. Après un échec, il courait à Sully chez le duc de Béthune ; à la Source, près d'Orléans, chez «Milord Bolingbroke », son premier ami anglais ; à Vaux, chez la Maréchale de Villars qui lui permettait de l'aimer; à Maisons, chez le Président de Maisons. Partout il rimait, dansait, lisait. Il faisait des plaisanteries et l'on riait. Il se croyait heureux.
    Le réveil fut soudain et brutal. Un jour, chez le duc de Sully, l'assurance de ce jeune bourgeois irrita le Chevalier de Rohan-Chabot, membre assez indigned'une grande maison : « Quel est, dit M. de Rohan-Chabot, ce jeune homme qui pour me contredire parle si haut? — Monsieur le Chevalier, dit Voltaire, c'est un homme qui ne traîne pas un grand nom, mais qui honore le nom qu'il porte. » Le Chevalier sortit de table et le duc de Sully dit à Voltaire : « Nous sommes heureux si vous nous en avez délivrés. »
    Quelques jours plus tard, Voltaire était chez le duc de Sully, quand on le fit demander à la porte de l'hôtel. Il descendit, vit un fiacre et dans ce fiacre deux hommes qui le prièrent de venir jusqu'à la portière. Il y alla sans méfiance; dès qu'il fut près de la voiture, ils le saisirent et lui appliquèrent des coups de bâton sur les épaules. Le Chevalier, qui était en avant dans son carrosse, surveillait l'opération et dit : « Ne frappez pas à la tête, il peut en sortir quelque chose de bon. » Le peuple qui s'était amassé criait : « Ah ! le bon seigneur ! » Voltaire remonta chez le duc de Sully, meurtri, ses vêtements en désordre, et supplia ses nobles amis de venir avez lui chez le commissaire. Le duc et ses amis rirent et refusèrent. Après tout, c'était un Rohan qui avait bâtonné un poète. L'aventure était regrettable, mais conforme à l'ordre du monde.
    Voltaire se montrait à l'ordinaire plus courageux d'âme que de corps, mais il avait été blessé au vif et voulait une vengeance. Il prit des leçons avec un maître d'armes, dit partout qu'il allait provoquer M. de Rohan-Chabot, si bien que les Rohan prirent peur et obtinrent de Maurepas qu'il mît à la Bastille ce roturier ombrageux. Donc, Voltaire avait été battu, il n'avait pu obtenir justice et c'était lui qu'on prétendait enfermer. En vérité, la France de la Régence était un gai et charmant pays, mais difficilement habitable pour un homme libre. Cette fois Voltaire ne resta que quelques jours à laBastille. Le ministre Maurepas, peut-être honteux, l'en fit sortir en lui demandant de quitter le pays.
    L'affaire est importante parce qu'elle acheva de faire de Voltaire un homme d'opposition. Il lui dut certainement un peu de son génie. Il avait maintenant des passions. L'inceste d'Œdipe, l'amour de Marianne, les exploits de Henri IV et même les travestis de Pimpette, froids sujets et qui ne pouvaient inspirer que froids poèmes. Mais la folie du monde, son injustice, la méchanceté des hommes, le silence de Dieu, voilà qui peut inspirer les sentiments forts d'où quelque jour va surgir un chef-d'œuvre.

V
    Voltaire en Angleterre
    En sortant de la Bastille, il choisit de passer en Angleterre. Cette nation, qui possédait un Parlement élu et ignorait les lettres de cachet, était à la mode parmi les philosophes. « Je sais, écrivait Voltaire à un ami, que c'est un pays où les arts sont tous honorés et récompensés, où il y a de la différence entre les conditions, mais point d'autre entre les hommes que celle du mérite. C'est un pays où l'on pense librement et noblement, sans être retenu par aucune crainte servile. » Il savait quelques mots d'anglais. Horace Walpole, ambassadeur d'Angleterre à Paris, lui avait donné des lettres de recommandation pour plusieurs personnes. En outre, il possédait à Londres un ami puissant, ce « Milord Bolingbroke » qu'il avait connu en France au temps où Bolingbroke, amant puis mari d'une Française, Mme de Villette, avait acheté près d'Orléans un château. Bolingbroke et sa femme avaient écouté la lecture de la Henriade, alors en manuscrit, et l'avaient louée. Grâce à eux,
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