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Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II

Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II

Titel: Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II
Autoren: Benjamin Franklin
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n'obtient point un grand jury, pour juger s'il y a lieu à accusation avant qu'elle soit rendue publique. On ne lui fait pas même connoître le nom de son accusateur, ni on ne lui accorde l'avantage d'être confronté avec les témoins qui ont déposé contre lui, car ils se tiennent dans les ténèbres, comme ceux du tribunal de l'inquisition d'Espagne.
Il n'a pas non plus un petit jury, formé de ses pairs, pour examiner les crimes qu'on lui impute. L'instruction du procès est quelquefois si rapide, qu'un bon et honnête citoyen peut tout-à-coup, et lorsqu'il s'y attend le moins, se voir accuser, et dans la même matinée être jugé, condamné, et entendre prononcer l'arrêt qui le déclare un coquin et un scélérat.
    Cependant, si un membre de ce tribunal reçoit la plus légère réprimande, pour avoir abusé de sa place, il réclame aussitôt les droits que la constitution accorde à tout citoyen libre, et il demande à connoître son accusateur, à être confronté avec les témoins, et à être jugé loyalement par un jury composé de ses pairs.
Sur quoi est fondée l'Autorité
du Tribunal.
Cette autorité est, dit-on, fondée sur un article de la constitution de l'état, qui établit la liberté de la presse, liberté pour laquelle tous les Pensylvaniens sont prêts à combattre et à mourir, quoique fort peu d'entr'eux aient, je crois, une idée distincte de sa nature et de son étendue. En vérité, elle ressemble tant soit peu à celle que les loix anglaises accordent aux criminels avant leur conviction ; c'est-à-dire, à celle d'être forcés à mourir ou à être pendus.
Si par la liberté de la presse nous entendons simplement la liberté de discuter l'utilité des mesures du gouvernement et des opinions politiques, jouissons de cette liberté de la manière la plus étendue : mais si c'est au contraire, la liberté d'insulter, de calomnier, de diffamer, je déclare que dès que nos législateurs le jugeront à propos, je renoncerai volontiers à la part qui m'en revient ; et que je consentirai de bon cœur à changer la liberté d'outrager les autres, pour le privilége de n'être point outragé moi-même.
Quelles Personnes ont institué
ce Tribunal, et en nomment les
Officiers.
Il n'est point institué par un acte du conseil suprême de l'état.
    Il n'y a point de commission établie par lui, pour examiner préalablement les talens, l'intégrité, les connoissances des personnes à qui est confié le soin important de décider du mérite et de la réputation des citoyens ; car le tribunal est au-dessus de ce conseil, et peut accuser, juger et condamner à son gré. Il n'est point héréditaire, comme la cour des pairs en Angleterre. Mais tout homme, qui peut se procurer une plume, de l'encre et du papier, avec quelques caractères, une presse et une paire de grosses balles, peut se nommer lui-même chef du tribunal, et il a aussitôt la pleine possession et l'exercice de tous ses droits. Si vous osez alors vous plaindre, en aucune manière, de la conduite du juge, il vous barbouille le visage avec ses balles partout où il peut vous rencontrer ; et en outre, mettant en lambeaux votre réputation, il vous signale comme l'horreur du public, c'est-à-dire, comme l'ennemi de la liberté de la presse.
De ce qui soutient naturellement
ce Tribunal.
Il est soutenu par la dépravation de ces ames, à qui la religion n'impose aucun frein, et que l'éducation n'a point perfectionnées.
De son voisin, publier les sottises,
Est un plaisir à nul autre pareil [There is a lust in man no charm can tame,
Of loudly publishing his neighbour's shame.].
Aussi,
À l'immortalité la médisance vole.
Mais la triste vertu ne naît que pour mourir [On aegle's wings, immortal, scandals fly,
While virtuous actions are but born and die.
Dryden.].
Quiconque éprouve quelque peine à entendre bien parler des autres, doit sentir du plaisir lorsqu'on en dit du mal.
    Ceux qui, en désespérant de pouvoir se distinguer par leurs vertus, trouvent de la consolation à voir les autres ravalés à côté d'eux, sont assez nombreux dans toutes les grandes villes, pour fournir aux frais nécessaires d'un des tribunaux de la liberté de la presse.
Un observateur assez ingénieux disoit une fois, qu'en se promenant le matin dans les rues, lorsque le pavé étoit glissant, il distinguoit aisément où demeuroient les bonnes gens, parce qu'ils avoient soin de jeter des cendres sur la glace qui étoit devant leur porte. Probablement il
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