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Tu montreras ma tête au peuple

Tu montreras ma tête au peuple

Titel: Tu montreras ma tête au peuple
Autoren: François-Henri Désérable
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accueillie.
     

    1 er octobre 1793

    Jeannot n’en peut plus : « Deux mois que la Messaline est parmi nous et deux mois qu’elle dérobe sa
foutue gorge à notre vue ! »
     

    8 octobre 1793

    Ça y est, la moisissure a gagné ses pantoufles. Le sol
en brique rouge n’y est pas pour rien. J’ai dû les gratter
avec la lame de mon épée.
     

    11 octobre 1793

    Un prêtre réfractaire a célébré une messe dans sa
cellule. C’est par les soins de Mlle Fouché qu’il y a été
introduit. Jeannot s’y serait bien opposé, mais il n’a pu
s’y résoudre : la Révolution n’a pas ébranlé sa foi. Aussi
avons-nous communié avec elle. C’est un soulagement
de savoir qu’elle portera sa tête à l’échafaud en ayant
reçu les secours de la religion.
     

    12 octobre 1793

    La nuit a été froide à fendre les pierres. Elle a
demandé une couverture, et pour une raison qui
m’échappe on la lui a refusée.
     

    13 octobre 1793

    Qu’est-ce qu’un enfant, quand il s’agit du salut de la
République ?

    Je m’aperçois qu’à la date du 3 juillet, je n’ai écrit
que cette phrase. Elle n’est pas de moi, mais du citoyen
Hébert après que l’un de nous se fut offusqué du sort
réservé au fils Capet.

    Il avait commencé ainsi : « Ce petit marmotin sera
tôt ou tard funeste à la Nation : plus il est drôle, plus il
est redoutable. Que ce petit et sa sœur soient jetés dans
une île déserte : il faut qu’on s’en défasse à tel prix quece soit. » Puis, vint la phrase criminelle : « Au surplus,
qu’est-ce qu’un enfant, quand il s’agit du salut de la
République ? » Il en était tellement satisfait qu’il la
reproduisit dans son journal le lendemain afin que le
peuple pût s’en délecter à son tour. Le cynisme est la
chose la mieux partagée.

    J’ignore ce qu’il adviendra du dauphin. Mais je prie
que le sang impur abreuvant nos sillons ne soit pas
celui d’un enfant martyr. Car j’étais là le 3 juillet,
quand le petit fut séparé de sa mère. J’étais au Temple
avec les commissaires chargés d’arracher à la reine le
fruit de ses entrailles. On a dit que la séparation s’était
faite avec toute la sensibilité que l’on devait attendre
dans ces circonstances, et les commissaires assurèrent
avoir eu les égards compatibles avec la sévérité de leurs
fonctions. Mais la vérité, comme bien souvent, est différente du récit qu’on en a fait. La vérité, c’est que la
reine, pendant deux heures, s’accrocha au dauphin
qui pleurait, la vérité, c’est qu’elle nous implora à
genoux, elle devant qui la France s’était agenouillée,
de lui laisser son enfant, la vérité, c’est qu’elle se
résigna à le lâcher seulement parce que les commissaires, excédés, menacèrent de tuer Madame Royale,
ce que bien sûr ils n’auraient pas fait car ils n’en
avaient pas le mandat et qu’on ne tue pas la dauphine
de France comme ça, la vérité, c’est qu’ils jurèrent sur
leur honneur qu’elle reverrait bientôt son fils, la vérité,
enfin, c’est que plus jamais elle ne le vit, si ce n’est
l’espace de quelques instants, à la dérobée, au travers
d’une lucarne grillée quand le dauphin, encouragé parson geôlier, chantait la carmagnole et le chant des
Marseillais.

    Depuis, ce n’est pas la reine que je vois, mais la mère.
La mère à qui ses deux enfants ont été enlevés, la mère
dont les cheveux blanchirent en une nuit parce que lui
prendre son fils de huit ans c’était lui prendre huit ans
de sa propre vie. À trente-sept ans, celle dont la beauté
mutine avait fasciné la France, charmé Versailles, captivé un Louis XV cacochyme ressemble déjà à une
vieille femme fatiguée, usée par le chagrin. Est-il bien
utile de couper la rose quand la rose est déjà fanée ?
     

    14 octobre 1793

    C’est à sept heures, ce matin, que les commissaires
sont venus la chercher. Elle a lissé ses cheveux, s’est
coiffée d’un bonnet de linon blanc et les a suivis avec
calme. Les débats ont débuté à huit heures et ont duré
jusqu’au milieu de l’après-midi pour s’arrêter vers seize
heures, puis reprendre après une courte pause jusque
tard dans la nuit. Il est quatre heures du matin, elle
vient de rentrer dans sa cellule. Épuisée, elle s’est jetée
encore tout habillée sur son lit.

    Je n’ai pas assisté au procès. Mais je sais plus ou
moins ce qu’il s’y est passé. Les crieurs, dans les
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