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Tu montreras ma tête au peuple

Tu montreras ma tête au peuple

Titel: Tu montreras ma tête au peuple
Autoren: François-Henri Désérable
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reine était sa raison de vivre, celle pour
laquelle elle se levait chaque matin. Depuis qu’elle
n’est plus couturière chez Mlle Bertin, Louise sombre
peu à peu dans la mélancolie.
     

    10 août 1793

    Il ne lui reste que deux bagues ornées de diamants,
qu’elle passe d’un doigt à l’autre inlassablement.
     

    11 août 1793

    Des commissaires de la République sont venus lui
confisquer les deux bagues. Rien ne doit la distraire de
son ennui.
     

    12 août 1793

    Il y a une chose dont on ne l’a pas encore privée : la
nourriture. C’est qu’il faut la garder en vie jusqu’à un
éventuel procès. Elle semble, sur ce point, jouir d’un
traitement de faveur : du café pour le petit déjeuner,
du poulet et des légumes pour le déjeuner, un bouillon
pour le dîner, des pêches en dessert, et de l’eau minérale de Ville-d’Avray.
     

    13 août 1793

    Le baron de Batz a promis un million à qui sauverait
la reine. Depuis, les murs de la Conciergerie semblent
beaucoup moins épais.
     

    14 août 1793

    Aujourd’hui, Madame Richard a fait venir son fils,
que tout le monde ici appelle Fanfan. Il a les yeux
bleus, les cheveux blonds, et à peu près le même âge
que le Dauphin. Quand elle a vu ce petit garçon qui
lui rappelait si douloureusement le sien, la reine s’est
mise à le caresser, à le serrer dans ses bras, à le couvrir de baisers. L’enfant, comblé d’être l’objet de tant
d’attentions, se laissait faire volontiers. Mais bientôt
l’émotion fut si forte pour la reine qu’elle fondit en
larmes. Interloqué, Fanfan courut se réfugier dans les
jupes de sa mère qui s’excusa et prit congé de son hôte.
À coup sûr, l’expérience ne sera pas renouvelée.
     

    15 août 1793

    Et nous, que faisons-nous pendant qu’elle ne fait
rien ? Nous jouons aux cartes, au piquet surtout. C’est
un passe-temps comme un autre. Et c’est idiot. C’est
sacrifier ce que nous avons de plus cher à des futilités. Je persiste à croire qu’on ne peut comprendre
quelque chose à la vie sans avoir pris conscience de la
préciosité du temps.
     

    17 août 1793

    Parfois, c’est elle qui semble nous surveiller. C’est
ainsi : même en prison, il arrive que les rôles soient
inversés.
     

    20 août 1793

    Elle souffre depuis plusieurs jours de violentes
hémorragies et Rosalie doit lui changer ses linges quotidiennement. Pour autant, pas une fois on ne l’a
entendue se lamenter. Elle est d’un stoïcisme qui force
l’admiration.
     

    28 août 1793

    Michonis, l’inspecteur de la prison, se comporte de
plus en plus comme le maître de céans. Il lui a rendu
visite aujourd’hui accompagné d’un autre homme. Il
m’a semblé voir cet homme laisser tomber quelque
chose derrière le poêle. Peut-être ai-je simplement
rêvé.
     

    29 août 1793

    Et pourtant j’en suis sûr : il a bien laissé échapper
quelque chose.
     

    30 août 1793

    Non, j’ai dû rêver.
     

    31 août 1793

    Tout de même...
     

    3 septembre 1793

    Les commissaires de la Commune sont arrivés en
trombe dans la Conciergerie. Depuis deux heures, ils
interrogent tout le monde.

    Voilà ce qu’il s’est passé :

    L’homme introduit par Michonis il y a quelques
jours avait bien laissé échapper quelque chose – je
n’avais pas rêvé ! Si l’on ignore encore son identité, on
sait en revanche qu’il s’agissait d’un œillet dans lequelse trouvait un billet. Comme elle n’avait pas de quoi
écrire, la reine y a répondu à l’aide d’une pointe d’aiguille, en piquant les lettres sur un petit bout de papier
déchiré. Puis elle a transmis ce papier au citoyen
Gilbert, chargé d’assurer sa surveillance quand, avec
Jeannot, nous sommes au repos. Or Gilbert, dont la
consigne était de remettre la réponse à l’inconnu qui
devait revenir quelques jours plus tard pour l’aider à
fuir, n’est pas homme à se laisser soudoyer par la
simple reconnaissance d’une femme, fût-elle reine de
France. Quelques louis d’or l’auraient peut-être réduit
au silence, mais la reine ne possède rien. Après plusieurs jours de réflexion, il a fini par faire un rapport
à ses supérieurs. Depuis, tout le monde s’agite à la
Conciergerie.
     

    5 septembre 1793

    L’homme à l’œillet s’appelle Rougeville. C’est un
agent royaliste, fait chevalier de Saint-Louis du temps
où il y avait encore des chevaliers, des saints et des
Louis. On le cherche dans tout
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