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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand
Autoren: Gary Jennings
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parties intimes, ou celles-ci te cuiront
bientôt plus encore que ton visage. Je n’ai pas de temps à perdre en
préliminaires, et ne t’en demande pas non plus. Pas de prétendue mise en
condition sexuelle, de cajoleries ou d’inutiles caresses. Pas même besoin que
tu te dénudes entièrement. Si ça peut ménager ta pudeur, tu peux bien garder
tes misérables amulettes, voire même, si ça te chante, la bande que tu portes
autour des hanches, cet artifice romain maniéré de celle « qui n’y touche
pas ». Tu m’as entendu ? Tout ce que je te demande, c’est de
t’allonger là, et de te laisser faire !
    Et c’est ce que je fis. Avais-je vraiment le choix ?
    Au début, cela me fit un peu mal, car tout vieux et
grisonnant qu’il fut, il n’était pas moins immense, coriace et énergique. Mais
cela ne dura pas bien longtemps. La principale sensation que j’éprouvais, en
revanche, était d’être abominablement utilisé, et je décidai de tout faire pour
supporter cette pénible impression, me forçant à imaginer qu’il pompait de son
membre à l’intérieur de mon aisselle, ou dans la fente séparant mes seins. Sa
transpiration, sa bave qui tombait sur moi étaient celles d’un gros chien
pestiféré, et je tâchai de ne considérer ses autres émissions que comme
dégoûtantes et de malpropres, rien de plus.
    Je ne cherche pas à suggérer ici que l’acte brutal du
viol – fût-il perpétré par le plus avenant et le plus doux des
hommes – mérite la moindre indulgence. Mais dans la situation qui était la
mienne, trois circonstances au moins atténuaient mon supplice.
    La première était que même si Strabo avait été fertile tel
un auroch, je n’avais pas à craindre de tomber enceinte d’un enfant à tête de
poisson, de crapaud, ou de quelque bébé que ce soit.
    Autre circonstance heureuse, jamais je n’eus à soutenir le
regard de mon profanateur. Même quand la face rubiconde, enflée et tendue à
outrance de Strabo se trouvait juste en face de la mienne, ses iris demeuraient
dardés sur les côtés, et tout ce que je pouvais en voir était le blanc de ses
yeux. C’était un peu comme si un aveugle était étendu sur moi, en train de me
besogner. Je ne pus ainsi jamais deviner si ses yeux étaient vitreux d’une
bestiale jubilation, triomphants de malveillance, ou même à la recherche d’un
signe de terreur, d’angoisse ou d’avilissement de ma part, susceptible
d’accroître peu ou prou son sentiment de domination.
    Enfin, troisième chose qui me soulageait un tant soit
peu : en dépit de ce qui se passait, je parvenais à garder bien présente à
l’esprit la pensée d’Amalamena. Au début, j’avais été simplement réconforté à
l’idée qu’elle ait subi une mort relativement clémente, tuée d’un seul coup au
lieu d’avoir à endurer une épouvantable décomposition. Mais j’avais désormais
de bonnes raisons de me réjouir qu’elle ait péri à ce moment-là : ainsi,
elle n’avait pas été souillée, et la honte lui avait été épargnée. J’étais
certain d’être en mesure de supporter cette nuit bien mieux qu’elle ne l’aurait
fait, mieux d’ailleurs que toute autre femme, y compris Veleda.
    Il vous faut comprendre qu’à ce moment de mon histoire, je
ne me sentais nullement dans la peau ni l’esprit de Veleda. J’étais Thorn,
totalement et sans réserves, même si j’avais l’apparence de Veleda, vêtu comme
une femme. Bien sûr, pour accréditer mon déguisement, j’avais par instinct
adopté les gracieuses manières et attitudes féminines, mais je ne me sentais
pas femme. La distinction pourra sembler dérisoire, elle implique pourtant une
très grande différence. C’est que toute créature femelle, depuis l’enfance
jusqu’à l’âge le plus avancé, a conscience d’une chose immuable, inscrite au
plus profond de ses fibres. Elle peut en tirer de la fierté ou du plaisir, si
elle décide très jeune qu’elle est née pour n’être qu’une épouse ou une mère.
Elle peut au contraire mépriser cette sensation intime, tenter de la nier ou de
la rejeter, si elle se sent animée d’autres aspirations : la chasteté pour
la vie dans les rêves d’une nonne, ou des désirs nettement plus matérialistes.
Il n’en reste pas moins vrai que, quelle que soit la femme, fut-elle une soror
stupra [5] aux mâles attitudes ou même une Amazone, elle garde en elle la conscience,
fermement enracinée, d’avoir été
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