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Théodoric le Grand

Théodoric le Grand

Titel: Théodoric le Grand
Autoren: Gary Jennings
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des montures fatiguées, et j’en conclus que la
sous-ventrière épissée qu’il portait sous le poitrail devait perturber les
cavaliers. Peut-être prenaient-ils cette corde pour un jeu de rênes
supplémentaires, destinés à contrôler une bête au tempérament vicieux, ou d’un
caractère ombrageux. Cela me fit sourire. À supposer que Velox et moi fussions
par chance détenus au même endroit – et je me pris à le souhaiter
ardemment –, je me ferais un plaisir, si l’occasion s’en présentait, de
montrer à nos ravisseurs la virtuosité équestre dont nous étions tous deux
capables.
    Nous poursuivîmes notre route tout le jour, faisant de rares
pauses, le temps que les hommes changent de monture et que les bêtes se
désaltèrent. Lors de deux ou trois de ces arrêts, mes gardiens m’apportèrent de
quoi boire et manger, le prélevant sur les rations de voyage allouées à notre
colonne. De la viande froide fumée ou du poisson séché, un morceau de pain dur,
une coupe de vin ou de bière. Pour l’occasion, je fus autorisé à descendre
brièvement de voiture, et je pus me dégourdir les jambes et me vider la vessie.
Je le fis bien sûr à la manière des femmes, sous le regard goguenard d’un gardien,
tout réjoui à l’idée de constater qu’une altesse royale ne s’y prenait pas
autrement pour se soulager qu’une misérable fille de ferme.
    Nous continuâmes au nord-ouest, nous dirigeant à l’évidence
vers Serdica [4] . Je savais qu’il s’agissait d’une cité d’une
certaine importance, mais j’ignorais si elle faisait partie des territoires
contrôlés par Strabo, où s’il estimait simplement l’endroit propice pour m’y
retenir prisonnier, le temps de négocier avec Théodoric. Ma foi, pensai-je,
l’avenir le dirait. Toutefois, en dépit de notre allure soutenue, nous ne
l’atteignîmes pas ce jour-là, et quand nous eûmes installé notre campement en
bordure de route, je découvris que Strabo avait, concernant la princesse
Amalamena, d’autres plans plus indignes que la simple détention contre rançon.
    Ma voiture, bien que sous la surveillance permanente de deux
gardes, était rangée nettement à l’écart de la troupe, et j’avais supposé que
l’on voulait ainsi garantir une certaine intimité à mes repas, mes nuits et
autres activités intimes. L’on m’apporta effectivement de la nourriture –
chaude, cette fois – et du vin, m’évitant d’avoir à me frayer un chemin à
coups de coudes parmi la rude soldatesque près des feux où étaient préparés les
repas. Mais dès que je fus rassasié, que j’eus satisfait au milieu des
broussailles mes besoins naturels, que je me fus lavé aussi sommairement que le
permettaient les circonstances et préparé pour la nuit, Strabo en personne
surgit à la porte de la voiture. Sans s’embarrasser d’un salut à mon égard, ni
me demander mon autorisation, mais en proférant un renvoi caverneux, indiquant
ainsi qu’il avait lui aussi bien mangé, il grimpa dans la carruca et
s’allongea à côté de moi.
    — Que signifie ceci ? demandai-je d’un ton glacé.
    —  Akh, ma fille, tu as dû passer une nuit
épouvantable, hier. (Il rota de nouveau.) Je veillerai gracieusement à ce que
cette nuit, ton sommeil soit des plus confortables. Tu vas dormir avec
moi ; tu jouiras ainsi d’un sommeil rassasié. Éteins la chandelle à
présent, et ferme les rideaux. À moins que tu ne préfères t’offrir en spectacle
aux deux gardes.
    Sans crainte particulière, mais un peu surpris – ne
m’avait-il pas rassuré en faisant mine de protéger mon honneur ? –,
je lui fis remarquer :
    — Vous m’avez dit que vous respecteriez ma sainte
relique. Que vous ne me violeriez pas.
    — Je n’en ai pas l’intention. C’est volontairement, que
tu vas t’offrir à moi.
    — Je ne ferai certainement pas une chose pareille.
    Il souleva ses lourdes épaules.
    — À toi de choisir. Théodoric Triarius… ou tout le
camp. Ou moi seul, ou tous mes soldats s’occuperont de toi cette nuit même. Et
je ne compte pas attendre très longtemps ta décision. Je présume qu’une
princesse héritière se donnera plus volontiers à l’un de ses cousins de la
lignée amale, plutôt qu’à cent cinquante hommes de naissance douteuse, et à la
distinction aléatoire.
    — N’en soyez pas si sûr, rétorquai-je fièrement, bien
que peu rassuré. Ce sont peut-être des rustres passablement vulgaires, mais je
n’en ai
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