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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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furent salués par des murmures approbateurs, le mien y compris. Depuis la chute de Thomas Cromwell, quelques années auparavant, le roi avait cessé de protéger les réformateurs qui l’avaient encouragé à rompre avec Rome. N’ayant jamais entièrement fait sienne la théologie luthérienne, il esquissait à présent un retour vers les anciens rituels, instaurant une sorte de catholicisme sans pape, accompagné de mesures de plus en plus répressives contre les réfractaires. Nier que, lors de l’eucharistie, le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ constituait désormais des propos hérétiques et ceux qui les proféraient encouraient la peine de mort. Même la doctrine du purgatoire redevenait respectable. Les protestants rigoristes, pour qui la seule vérité se trouvait dans la Bible, jetaient l’anathème sur cette nouvelle donne. Les persécutions avaient d’ailleurs eu pour résultat de pousser bien desréformateurs à l’extrémisme. Et à Londres, ils se montraient particulièrement audacieux et bruyants.
    « Savez-vous ce que j’ai vu aujourd’hui dans la rue ? demanda un autre invité. Des fidèles disposaient des branches sur le parvis enneigé d’une église, en prévision des cérémonies du dimanche des Rameaux, demain. C’est alors qu’une bande d’apprentis a fait irruption et envoyé dinguer les rameaux à coups de pied, hurlant qu’il s’agissait d’une cérémonie papiste et que le pape était l’Antéchrist !
    — Ce fanatisme fournit aux apprentis un nouveau prétexte pour faire du chahut ! s’écria Loder.
    — Demain il pourrait y avoir des incidents », renchérit Roger.
    J’opinai du chef. Le dimanche des Rameaux, les églises traditionnelles organiseraient leurs cérémonies habituelles. Les marguilliers se déguiseraient en prophètes et un enfant chevaucherait un âne, tandis que les prédicateurs évangélistes dénonceraient dans leurs églises ce blasphème papiste.
    « Une nouvelle purge est imminente, annonça un invité d’un ton lugubre. J’ai ouï dire que l’évêque Bonner est sur le point de prendre des mesures draconiennes.
    — Il n’y aura pas de nouveaux bûchers, affirma Dorothy d’une voix calme.
    — Les Londoniens ne l’accepteraient pas, renchérit Loder. Si les gens n’aiment pas les extrémistes, ils aiment encore moins les bûchers. Bonner n’osera pas aller aussi loin.
    — Vraiment ? fit Roger. N’est-il pas un fanatique lui aussi ? La ville n’est-elle pas divisée en deux ?
    — La plupart d’entre nous souhaitent mener une vie tranquille, dis-je. Même les anciens réformateurs zélés, précisai-je en décochant un sourire narquois à Roger, qui acquiesça.
    — Il existe des fanatiques dans les deux camps, affirma le vieux Ryprose d’un ton grave. Et nous autres, nous sommes coincés au milieu. Pauvres de nous ! Il m’arrive de craindre qu’ils ne nous apportent la mort à tous… »
     
     
    Nous nous séparâmes fort tard, et je fus l’un des derniers à partir. La nuit était glaciale et mes bottes faisaient crisser la neige qui avait gelé à nouveau. La conversation de mes commensaux avait assombri mon humeur. Il était vrai que Londres regorgeait de gueux et de fanatiques et que c’était devenu une ville triste. Une purge aggraverait les choses. J’avais omis de révéler aux invités que les parents du gamin enfermé à l’asile de Bedlam appartenaient à une paroisse protestanterigoriste et que les problèmes mentaux de leur fils avaient une origine religieuse. Je regrettais d’avoir dû me charger de ce dossier, mais j’étais contraint de m’occuper des affaires que me confiait la Cour des requêtes. Et les parents souhaitaient qu’on relâche leur fils.
    Je fis halte. La neige crissait derrière moi. Quelqu’un marchait à pas de loup. Je me retournai en fronçant les sourcils. La sécurité était censée régner dans l’enceinte de Lincoln’s Inn, mais on pouvait quand même y pénétrer à divers endroits. La nuit était sombre, la lune à moitié cachée par les nuages, et à cette heure seulement un petit nombre de fenêtres éclairées projetaient des carrés de lumière sur la neige.
    « Qui va là ? » criai-je.
    Il n’y eut aucune réponse, mais j’entendis à nouveau des pas rapides s’éloigner. Je les suivis, le sourcil froncé. Le bruit venait de l’extrémité du bâtiment où habitaient les Elliard et qui jouxtait le mur arrière de Lincoln’s
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