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Prophétie

Prophétie

Titel: Prophétie
Autoren: Christopher John Sansom , Georges-Michel Sarotte
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gens meilleurs ou d’un commerce facile.
    — Rien de plus normal, s’écria-t-elle avec force, la pauvreté est une malédiction !
    — Je ne me plains pas. Et le travail est varié… Je suis chargé d’une nouvelle affaire. Il s’agit d’un gamin qu’on a placé à l’asile de Bedlam. Je dois rencontrer ses parents demain.
    — Le dimanche des Rameaux ?
    — Il y a une certaine urgence.
    — Un client fou ?
    — Est-il vraiment fou ? Telle est la question. Il a été enfermé là sur ordre du Conseil privé. C’est l’un des plus étranges dossiers dont j’aie jamais eu à m’occuper. C’est intéressant, même si je préférerais ne pas avoir à me mêler d’une affaire liée au Conseil privé.
    — Tu feras appliquer la loi, j’en suis absolument certaine, affirma-t-elle en posant sa main sur mon bras.
    — Matthew ! » Roger était apparu à mon côté. Il me secoua vigoureusement la main. Petit, sec, il avait un visage mince avenant, des yeux bleus très vifs et des cheveux noirs qui commençaient à se clairsemer. Son énergie n’avait pas faibli avec le temps. Bien qu’il m’eût jadis ravi Dorothy, j’éprouvais toujours pour lui une immense affection.
    « Il paraît que Samuel a écrit, fis-je.
    — Oui, ce vilain garnement ! Enfin !
    — Il faut que j’aille à la cuisine, dit Dorothy. À tout à l’heure, Matthew. Parle à Roger, il vient d’avoir une idée intéressante. »
    J’inclinai le buste pour saluer sa sortie, puis me retournai vers Roger.
    « Comment vas-tu ? lui demandai-je doucement.
    — Ce n’est pas revenu, répondit-il en baissant la voix, mais il me tarde de consulter ton ami médecin.
    — Je t’ai vu détourner le regard quand Concupiscence s’est affalée.
    — Ah oui, cela m’effraie, Matthew. » Il eut soudain l’air vulnérable, comme un petit garçon. Je pressai son bras.
    Durant les semaines précédentes, Roger avait plusieurs fois perdu l’équilibre avant de s’effondrer, sans raison apparente. Il craignait d’avoir contracté le mal caduc, terrible maladie qui jetait au sol sa victime, en parfaite santé par ailleurs, et la faisait se tordre de douleur en grognant, l’esprit chaviré. Il n’existait aucune médecine pour la combattre. Aussi était-elle considérée par certains comme une sorte de folie passagère et par d’autres comme un signe que le patient était possédé par un esprit maléfique. Les symptômes spectaculaires pouvant apparaître à tout moment, on évitait de fréquenter les personnes affligées de ce mal. En être atteint aurait donc signifié pour Roger la fin de sa carrière d’avocat.
    Je pressai à nouveau son bras. « Guy découvrira de quoi il s’agit vraiment, je te le promets. » Roger s’étant confié à moi la semaine d’avant, j’avais pris rendez-vous pour lui auprès de mon ami médecin le plus tôt possible, c’est-à-dire à quatre jours de là.
    Roger grimaça un sourire. « Espérons que son diagnostic sera rassurant… J’ai raconté à Dorothy qu’il s’agissait de douleurs d’estomac, ajouta-t-il à voix basse. Ça vaut mieux ainsi. Les femmes se mettent aisément martel en tête.
    — Les hommes aussi, répliquai-je en souriant. Et parfois inutilement. Ces chutes peuvent avoir plusieurs causes, et n’oublie pas que tu n’as eu aucune attaque nerveuse.
    — Tu as raison. C’est vrai.
    — D’après Dorothy, tu as une nouvelle idée, dis-je pour détourner ses pensées.
    — Oui, acquiesça-t-il avec un sourire narquois. J’en ai parlé à l’ami Loder, mais il n’a guère semblé intéressé. Aucun des présents n’est pauvre », murmura-t-il en parcourant du regard le groupe des invités. Puis, me prenant par le bras, il m’entraîna un peu à l’écart.
    « Je viens de lire le nouveau livre de Roderick Mors, Les Lamentations d’un chrétien sur la cité de Londres .
    — Prends garde ! D’aucuns considèrent l’ouvrage comme séditieux.
    — La vérité les effraie, répliqua-t-il d’un ton à la fois serein et intense. Dieu du ciel, le livre de Mors est une attaque en règle contre notre ville. Il montre comment toute la richesse des monastères a été accaparée par le roi et ses courtisans. Une fois les écoles et les hôpitaux fermés, les patients ont été livrés à eux-mêmes. Si les soins que leur prodiguaient les moines étaient plutôt maigres, à présent ces infortunés sont laissés à l’abandon. Quelle honte que le
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