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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud
Autoren: Elizabeth Gaskell
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l’évocation du passé
pour se tourner vers la contemplation sereine et optimiste d’un avenir prometteur.
Au lieu de visions de ce qui avait été, ses yeux commencèrent à distinguer ce qui
se trouvait vraiment devant elle : son cher père endormi, sur la banquette
du compartiment. Ses cheveux noir de jais, à présent gris et clairsemés, lui descendaient
sur les sourcils. On voyait nettement l’ossature de son visage, si accusée qu’il
eût paru laid si ses traits n’avaient été aussi fins. Cependant, ils avaient une
grâce, voire une beauté toute personnelle. Il était détendu, mais c’était le repos
qui suit la fatigue plutôt que le calme serein de celui qui mène une vie placide
et comblée. Margaret fut douloureusement frappée en voyant son expression lasse
et anxieuse ; et elle repassa dans son esprit tous les détails connus et notoires
de la vie de son père pour deviner la cause de ces rides qui révélaient de façon
si manifeste une détresse et une tristesse quotidiennes.
    « Pauvre Frederick, pensa-t-elle en soupirant. Oh, si seulement
il était entré dans les ordres au lieu de s’engager dans la marine et d’être perdu
pour nous tous ! J’aimerais connaître le fin mot de l’histoire. Je n’ai jamais
bien compris ce que m’a raconté ma tante ; tout ce que je sais, c’est qu’il
ne pouvait plus revenir en Angleterre à cause de cette terrible affaire. Mon pauvre
papa ! Comme il a l’air triste ! Je suis si heureuse de rentrer à la maison,
d’être là pour le réconforter ainsi que maman. »
    Lorsque son père s’éveilla, elle était prête et elle lui adressa
un radieux sourire sans la moindre trace de fatigue. Il le lui rendit, mais faiblement,
comme si cela représentait un effort inhabituel. Sur son visage se reformèrent les
rides de son angoisse coutumière. Il avait le tic d’entrouvrir la bouche comme pour
parler, ce qui déformait en permanence le dessin de ses lèvres et conférait à son
visage une expression indécise. Mais il avait les mêmes yeux que sa fille, de grands
yeux pleins de douceur qui bougeaient lentement, presque majestueusement, dans leurs
orbites et que voilaient des paupières blanches et transparentes. Margaret lui ressemblait
plus qu’à sa mère. Les gens s’étonnaient parfois de constater que de si beaux parents
avaient eu une fille à la beauté si peu régulière ; ou même totalement dépourvue
de beauté, disaient certains. Elle avait une grande bouche, et non un bouton de
rose tout juste capable de s’entrouvrir pour laisser passer un « oui »
ou un « non », ou un « je vous en prie, monsieur ». Mais sa
bouche généreuse formait une seule courbe, ses lèvres étaient rouges et pleines ;
si sa peau n’avait pas la blancheur idéale, elle était lisse et délicate comme l’ivoire.
Bien que Margaret affichât d’ordinaire une mine trop digne et réservée pour son
jeune âge, en ces moments où elle parlait à son père son expression était vive comme
le matin, tout en fossettes et en regards exprimant une joie enfantine et un espoir
illimité en l’avenir.
    Le retour de Margaret eut lieu dans la seconde moitié du mois
de juillet. Les arbres de la forêt étaient d’un vert sombre tirant sur le brun ;
au-dessous, les fougères captaient tous les rayons obliques du soleil. Il faisait
une chaleur accablante, sans un souffle d’air. Margaret accompagnait souvent son
père dans ses expéditions, écrasant la fougère et ressentant une joie cruelle quand
elle la sentait céder sous son pied léger et dégager son parfum si caractéristique.
Puis lorsqu’ils débouchaient dans la chaude lumière odorante des vastes prés communaux,
ils apercevaient des multitudes de créatures sauvages en liberté qui se prélassaient
au soleil, ainsi que les fleurs et les plantes que ses rayons faisaient éclore en
grande variété. Cette vie, ou du moins ces promenades, comblaient toutes les attentes
de Margaret. Elle était très fière de sa forêt. Ses habitants étaient sa famille.
Elle se lia avec eux de véritable amitié. Apprit avec bonheur les mots particuliers
qu’ils employaient. Passa ses moments de liberté parmi eux. Prit soin de leurs bébés.
Fit la conversation ou la lecture à leurs aînés en articulant distinctement. Porta
des soupes appétissantes à leurs malades et décida bientôt d’enseigner à l’école
où son père se rendait chaque jour comme s’il se fût agi d’une tâche fixe.
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