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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud
Autoren: Elizabeth Gaskell
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combien elle pouvait
être parfaite en épouse de soldat, et y prenant plaisir. Voyant que l’eau de la
fontaine à thé était froide, elle envoya chercher la grande théière de la cuisine.
Mais lorsqu’on la lui apporta et qu’elle voulut la prendre à la porte, ladite théière
se révéla si lourde qu’elle renversa du thé sur la mousseline de sa robe où il fit
une tache sombre, et la poignée laissa sur sa petite main blanche et potelée une
marque en creux, qu’elle s’empressa de présenter au capitaine Lennox, en faisant
la moue comme une enfant blessée. Naturellement, dans les deux cas, le remède appliqué
était le même. Le réchaud à alcool rapidement allumé par Margaret s’avéra le dispositif
le plus ingénieux, bien qu’il n’évoquât guère le campement de bohémiens qu’Edith,
selon ses humeurs, considérait comme ce qui ressemblait le plus à la vie en garnison.
    Après cette soirée, ce ne fut plus que fracas et tourbillon jusqu’au
lendemain des noces.

 
     
     
     
     
     
     
     
     
    CHAPITRE
II
     
    Roses et épines
     
     
     
    Dans
le demi-jour vert de la clairière ombreuse
    Sur les
talus de mousse où tu jouais enfant,
    Sous
l’arbre tutélaire, pour ton premier élan
    Tu levas
vers le ciel un regard d’amoureuse.
    Mrs Hemans [6]
     
     
    Margaret, une fois de plus en toilette du matin, rentrait tranquillement
chez elle avec son père, qui était venu assister au mariage. Sa mère avait été retenue
à la maison par une multitude de faux prétextes que personne n’avait vraiment compris,
sauf Mr Hale, qui se rendait parfaitement compte que tous ses arguments en
faveur d’une robe de satin gris, à mi-chemin entre le goût du jour et celui de l’ancien
temps, s’étaient révélés vains. Faute des moyens nécessaires, il ne pouvait équiper
sa femme de pied en cap, aussi ne voulait-elle pas se montrer au mariage de la fille
unique de son unique sœur. Si Mrs Shaw avait deviné la vraie raison pour laquelle
Mrs Hale avait refusé d’accompagner son mari, elle lui eût offert une profusion
de robes ; mais cela faisait vingt ans que la pauvre et ravissante
Miss Beresford était devenue Mrs Shaw, et elle avait oublié toutes ses
doléances, hormis le désagrément issu de la différence d’âge au sein d’un couple,
et sur lequel elle pouvait disserter des heures entières. La chère Maria avait épousé
l’élu de son cœur, âgé seulement de huit ans de plus qu’elle, et doté du caractère
le plus aimable qui fût et de ces cheveux d’un noir bleuté que l’on rencontre si
rarement. Mr Hale était l’un des prédicateurs les plus agréables qu’elle eût
jamais entendus, et le parangon des curés de campagne. Peut-être la déduction que
tirait Mrs Shaw de ces prémisses lorsqu’elle pensait au sort de sa sœur n’était-elle
pas très logique, mais elle était néanmoins caractéristique : « Cette
chère Maria a fait un mariage d’amour, que peut-elle souhaiter de mieux dans ce
monde ? » A dire vrai, Mrs Hale aurait pu répondre en énumérant une
liste toute prête : « Une robe de soie glacée gris argent, un chapeau
de paille blanche, oh, des dizaines de choses pour le mariage et des centaines d’autres
pour la maison. »
    Margaret savait seulement que sa mère n’avait pas jugé à propos
de se rendre au mariage ; elle n’était pas fâchée que leurs retrouvailles eussent
lieu au presbytère de Helstone plutôt qu’à Harley Street où, ces deux ou trois derniers
jours, il avait régné un tel remue-ménage et où elle-même avait dû jouer les Figaros,
car on avait besoin d’elle partout en même temps. À présent, elle avait l’esprit
et le corps las de tout ce qu’elle avait fait et dit pendant ces dernières quarante-huit
heures. Les adieux précipités – au milieu de tous les autres congés à prendre –
qu’elle avait échangés avec ceux dont elle avait si longtemps partagé la vie, engendraient
chez elle une vive nostalgie pour une époque désormais révolue. Quelle qu’ait pu
être cette période de sa vie, elle était écoulée sans espoir de retour. Margaret
se sentait le cœur beaucoup plus lourd qu’elle eût pu l’imaginer en regagnant son
foyer bien-aimé, le lieu et l’existence après lesquels elle avait soupiré pendant
des années – à l’heure propice aux désirs et aux regrets, juste avant que le sommeil
n’émousse les sens vigilants. Elle s’arracha non sans effort à
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