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Nord et sud

Nord et sud

Titel: Nord et sud
Autoren: Elizabeth Gaskell
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même
pour l’usage de papa. Il se rend à pied aux confins de sa paroisse. Les promenades
sont si belles que ce serait dommage de les faire en voiture ; et presque aussi
dommage de les faire à cheval.
    — Avez-vous l’intention de beaucoup jardiner ? Voilà,
je crois, un passe-temps très convenable pour les jeunes filles à la campagne.
    — Je ne sais pas. Je crains de trouver la tâche beaucoup
trop ardue.
    — Alors irez-vous à des concours de tir à l’arc ? Des
pique-niques, des bals à l’occasion d’une chasse à courre ou d’une course de chevaux ?
    — Oh non ! répliqua-t-elle en riant. Les revenus de
papa sont très modestes ; et même si de tels divertissements existaient dans
le voisinage, je doute fort que je m’y rendrais.
    — Je vois que vous ne voulez rien me dire. Vous consentez
seulement à me parler de ce que vous ne ferez pas. Avant la fin des vacances, je
crois que j’irai vous rendre visite pour voir à quoi vous employez votre temps.
    — Volontiers. Vous constaterez alors par vous-même à quel
point Helstone est un bel endroit. Maintenant, je dois vous quitter. Edith s’assied
au piano et je connais juste assez de musique pour lui tourner les pages ;
de plus, ma tante ne sera pas contente si nous bavardons.
    Edith joua avec brio. Au milieu du morceau, la porte s’entrouvrit
et elle aperçut le capitaine Lennox qui hésitait à entrer. Abandonnant sa musique,
elle se précipita hors de la pièce, laissant à Margaret, embarrassée et rougissante,
le soin d’expliquer aux invités étonnés quelle apparition avait provoqué le départ
précipité d’Edith. Le capitaine Lennox était arrivé plus tôt que prévu ; ou
était-il vraiment si tard ? Les invités consultèrent leur montre, se montrèrent
dûment choqués et prirent congé.
    Edith revint alors, rayonnante de plaisir, menant d’un air mi-effarouchée,
mi-glorieux, son grand et beau capitaine. Mr Lennox serra la main de son frère
et Mrs Shaw l’accueillit avec sa gentillesse et sa douceur habituelles, auxquelles
se mêlait toujours une note plaintive, issue de la longue habitude qu’elle avait
de se considérer comme la victime d’un mariage sans affinités. Maintenant que, le
général n’étant plus, elle jouissait de tous les agréments de l’existence avec fort
peu de désavantages, elle avait quelque peine à se trouver des motifs d’inquiétude.
Cependant, depuis peu, son état de santé lui inspirait de l’appréhension ;
elle souffrait d’une petite toux nerveuse qui survenait toutes les fois qu’elle
y pensait ; et un docteur complaisant lui avait prescrit précisément ce qu’elle
souhaitait, à savoir de passer l’hiver en Italie. Mrs Shaw avait des désirs
aussi impérieux que la plupart des gens, mais il lui déplaisait de faire quoi que
ce fût en admettant ouvertement qu’elle obéissait à sa propre initiative ou à son
bon plaisir ; elle préférait être contrainte de satisfaire ses inclinations
en se pliant aux ordres ou aux désirs d’une autre personne. Véritablement persuadée
alors qu’elle se soumettait à une dure nécessité extérieure, elle pouvait gémir
et se plaindre à sa manière discrète tout en faisant exactement ce dont elle avait
envie.
    C’est sur ce mode qu’elle commença à parler de son voyage au
capitaine Lennox, qui acquiesçait – comme le devoir l’y obligeait – à tout ce que
disait sa future belle-mère, cependant que son regard cherchait Edith, très occupée
à réorganiser la table à thé et à commander toutes sortes de bonnes choses bien
qu’il lui eût assuré qu’il avait dîné il n’y avait pas deux heures.
    À deux pas du beau capitaine, son frère, Mr Henry Lennox,
était accoudé à la cheminée, amusé par la scène d’intérieur. Dans cette famille
où la beauté était singulièrement bien partagée, il était l’exception ; mais
il avait un visage intelligent, vif et mobile ; et de temps à autre, Margaret
se demandait à quoi il pouvait bien penser tandis qu’il observait, en silence mais
avec un intérêt légèrement sarcastique, tous les faits et gestes des jeunes filles.
C’était la conversation entre Mrs Shaw et le capitaine qui avait provoqué cette
réaction moqueuse, et non ce qu’il observait. Il trouvait fort charmant le spectacle
des deux cousines affairées à arranger la table. Edith se chargea de l’essentiel
des petits aménagements, bien décidée à montrer à son soupirant
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