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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse
Autoren: Michel Peyramaure
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conviction dans tes attaques, mais il te faudrait encore quelques leçons. Il me plairait de te les donner si tu le voulais. Alors, amis ?
    Je lui laissai le soin de ramasser mon sabre. Il revint vers moi en chantonnant l’air des Dragons de Noailles et murmura en collant ses lèvres sur les miennes :
    – As-tu compris, mon mignon, que j’aurais pu te tuer en quelques secondes ? Alors, adieu ! Si tu te décides enfin à entrer dans la garde, fais-moi signe. Je te présenterai au capitaine.
    Je crachai mon dégoût et revêtis ma redingote.
    – Hé là ! s’écria-t-il joyeusement. Pas de méprise ! Ce n’est que le baiser d’un ami qui te fait ses adieux. Qui sait si je reviendrai ? Voilà longtemps que je rêve de Paris…

    Deux semaines s’étaient écoulées sans que François Fournier n’eût donné signe de vie à sa mère, lorsque je reçus au manoir une visite importune : trois estafiers à cheval de la garde nationale. Le sergent qui les commandait, fils d’un maroquinier de Sarlat, m’interpella d’un ton familier alors que je brassais du fumier dans la grange :
    – Salut, Barsac ! Heureux de te voir en bonne condition. J’ai pour mission de te prévenir qu’il est temps de signer ton engagement.
    – Et si je refusais ?
    – Tu serais considéré comme un réfractaire, et je te dis pas les ennuis qui t’attendraient. Alors tu peux régler tes affaires de famille pour te présenter, sous huit jours, au quartier. Si tu tentes de te défiler, on te retrouvera et tu iras méditer ton manque de civisme à la prison des Clarisses.
    Il me tendit un feuillet sur lequel étaient mentionnées les diverses pièces de l’uniforme que je devrais me faire confectionner à mes frais, sans oublier la cocarde.
    Je laissai repartir mes visiteurs sans leur offrir à boire. Une heure durant, je restai enfermé dans ma chambre, enproie au désespoir, comme au bord d’une crevasse ouverte sous mes pas, où je risquais de m’abîmer.
    Je ne pouvais me faire à l’idée de quitter ces lieux où j’avais connu une enfance heureuse, un labeur qui me convenait et la perspective des fiançailles dont nous avions, Héloïse et moi, fixé la date. Il m’en coûtait de renoncer à mes lectures du soir, à la chandelle, en compagnie de Virgile, de Tacite, de Voltaire surtout, mon maître à penser.
    Lorsque j’informai mes parents de mon prochain départ, je constatai que mon père en avait déjà pris son parti.
    – Mon garçon, me dit-il, il fallait en arriver là. Que vas-tu décider ? Répondre à cette convocation, te cacher comme certains dans la forêt Barade ou émigrer, comme tant d’autres ? Si tu choisis ce dernier parti, notre voisin, M. de Beauregard, pourrait t’aider.
    Ma réponse fut catégorique :
    – Me cacher comme un déserteur ou fuir comme un lâche, je m’y refuse, père. Puisque la patrie est en danger, je dois voler à son secours, même si ce n’est pas de gaieté de cœur.
    Ce patriotisme de pacotille le fit sourire.
    – Quoi que tu fasses, mon garçon, tu auras ma bénédiction, mais sache que tu vas nous manquer.

    L’attitude d’Héloïse me surprit. Mise devant le fait accompli, elle convint que je ne pouvais me soustraire à mon devoir et qu’émigrer ou déserter aurait occasionné une rupture entre nous.
    – Tu vas sans doute devoir quitter Sarlat pour aller te battre aux frontières. Nous allons donc renoncer à nos fiançailles, et cela me chagrine. Je crains que nos liens ne résistent pas à une trop longue séparation. Pourtant je promets de te rester fidèle jusqu’à ton retour.
    Je l’assurai qu’il en serait de même pour moi et évitai de lui faire part de mon faux duel et de mon humiliation.

    La mère de François avait acquis la conviction absurde qu’elle ne le reverrait jamais. C’est la réponse qu’elle me faisait à chacune de ses visites. Elle envisageait même de se séparer du Tapis vert et de vivre de ses rentes, alors qu’elle était encore jeune.
    Héloïse m’aida à confectionner mon uniforme, ma mère en étant incapable. Elle m’assura que pas un bouton n’y manquait et que j’avais « l’allure martiale », ce dont je doutais, mon souhait étant de m’en défaire au plus tôt.
    Dans la lettre qu’il s’était enfin décidé à adresser à sa mère, François faisait état des cérémonies patriotiques qui « avaient pris tout son temps ». Au milieu des délégations régionales de la garde, il avait
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