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Mourir pour Saragosse

Mourir pour Saragosse

Titel: Mourir pour Saragosse
Autoren: Michel Peyramaure
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c’est pour dire des sottises. Ma belle…
    Il n’acheva pas sa phrase. Héloïse avait repoussé son assiette et s’apprêtait à partir quand, la prenant par le poignet, je la forçai à se rasseoir.
    – Tu es allée trop loin, ma chérie, lui dis-je. François mérite des excuses. J’entends que tu les lui fasses.
    – Des excuses à ce mufle ? s’écria-t-elle. Jamais de la vie ! Puisque tu prends son parti, rejoins-le, mais tu devras renoncer à moi !
    Elle se leva de nouveau et, trompant ma vigilance, quitta la table d’un bond. Je la rejoignis alors qu’elle allait monter dans sa carriole.
    – Je ne retire rien de ce que j’ai dit ! me dit-elle. Ton ami est un dangereux personnage. J’en sais sur lui plus que tu ne pourrais imaginer. La semaine passée, il a tué un pauvre innocent qui se moquait de sa tenue et a fait passer cet assassinat pour un duel. Mais tu ignores ce qui aurait dû te sauter aux yeux : il me cherche.
    Je voulus en savoir davantage. Elle m’apprit qu’il avait tenté de la séduire, sur la route, au retour du marché. Elle lui avait ri au nez. Il avait dégainé son sabre « pour lui faire peur ». Elle l’avait frappé avec son fouet.
    – Le bel ami que voilà ! Alors fais ton choix, je l’accepterai : ce sera lui ou moi !
    Elle se hissa dans sa carriole et fit démarrer sa bourrique d’un claquement de langue. Je ne fis rien pour la retenir. Elle me laissait entre perplexité et colère contre Fournier. La colère l’emporta.

    Le lendemain, je trouvai François à la Grande-Rigaudie en train de diriger un exercice pour de nouvelles recrues de la garde. Je le laissai achever sa leçon. Il me héla avant que je ne lui expose le motif de ma visite :
    – Mille dieux ! ces gars sont faits pour les armes comme moi pour promener le saint sacrement. Pourtant je ferai des soldats de ces boutiquiers, de ces fils à papa, de ces jean-foutre. Alors, dis-moi ce qui t’amène ? Tu viens signer ton engagement ?
    Je repoussai la blague à tabac et le briquet qu’il me tendait pour lui faire part, d’un ton ferme, de mes griefs concernant son comportement envers Héloïse. Il éclata de rire et fit claquer une main sur mon épaule.
    – Tu aurais tort, me dit-il, de prendre cette affaire au sérieux. Antoine, me crois-tu capable de marcher sur les brisées d’un ami tel que toi ? Je voulais simplement mettre ta compagne à l’épreuve, savoir si ses sentiments pour toi étaient sincères. Ils le sont, je m’en porte garant.
    – J’ai du mal à te croire. Ta réputation…
    Il s’écria :
    – Eh bien, quoi ? Ma réputation est ce qu’elle est. Je ne me cache pas d’être un insatiable coureur de jupons, et je connais quelques femmes qui ne s’en plaignent pas. Mais de là à m’en prendre à la fiancée de mon meilleur ami…
    L’allusion que je hasardai sur sa conduite dans la garde le mit en fureur.
    – Tu y as plus d’ennemis que d’amis, répliquai-je. On déteste ta jactance, tes provocations, tes airs de bellâtre. On dit même…
    – Je me fous de ce qu’on dit ! rugit-il. Et je suis choqué que tu prêtes une oreille complaisante à ces ragots ! Serais-tu chargé de ma surveillance ? Si tel est le cas, tu vas en répondre sans tarder !
    – Me proposes-tu un duel ?
    – J’en ai fichtrement envie, mais cela me peinerait. Je ne me pardonnerais pas de te blesser, ou pire. Je t’ai observé dans la salle d’armes. Tu tiens mieux une fourche qu’un sabre !
    Je lui répondis avec aplomb :
    – Eh bien, je suis ton homme. Le temps de me préparer, de trouver des témoins et une arme.
    – Les témoins, on s’en passera. Je te prêterai un sabre de la garde. Quant à te préparer, tu sembles l’être.
    – Alors rendez-vous demain, à l’aube.
    – Demain ? Impossible. Je dois conduire notre compagnie à Paris. Alors, c’est maintenant ou jamais. Je vais te procurer un sabre et nous nous battrons derrière ce bosquet de noisetiers, à l’abri des curieux.

    L’affaire ne dura que quelques minutes. François semblait s’amuser follement de ma maladresse, avec un rire ironique derrière la pipe que, par provocation, il n’avait pas ôtée de sa bouche, alors que, pour ma part, je mettais du cœur et toute mon énergie dans mes assauts.
    Il n’eut guère de mal à faire sauter mon sabre de ma main et à me plaquer contre un arbre, sa lame sur ma gorge.
    – Pas mal, Antoine ! plaisanta-t-il. Il y a beaucoup de
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